Carences du SRC et du MPC

Introduction

Le Service de renseignement de la Confédération (SRC) – qui regroupe les services de renseignement suisses – fait régulièrement l’objet de critiques quant à son organisation interne et son management. Des rapports récents et passés ont mis en évidence des carences graves dans son fonctionnement. Parallèlement, d’autres institutions fédérales suisses, notamment le Ministère public de la Confédération (MPC, parquet fédéral), ont également été épinglées pour des dysfonctionnements administratifs, un manque de coordination et une efficacité opérationnelle perfectible. Il convient d’analyser en détail les failles du SRC (organisationnelles, structurelles, managériales) et de les comparer aux critiques formulées à l’encontre du MPC, afin de dégager d’éventuelles similitudes en matière de dysfonctionnements.


Carences du Service de renseignement de la Confédération (SRC)

Le SRC a été récemment placé sous le feu des critiques de son autorité de surveillance indépendante. Un rapport de l’Autorité de surveillance des activités de renseignement (AS-Rens) sur l’année 2023 souligne « quelques carences graves » dans l’administration et l’encadrement du personnel du SRC . En particulier, la gestion des ressources humaines est jugée déficiente, ce qui crée des vulnérabilités internes. Par exemple, les procédures de recrutement, de suivi et de sortie des employés ne sont pas menées correctement faute de ressources suffisantes dans les services d’appui (ressources humaines) . La direction du SRC a dû admettre que ces problèmes internes durent depuis trop longtemps et ont nui aux performances de l’agence ces dernières années . Un audit a relevé de nombreuses erreurs dans les dossiers du personnel, l’absence d’entretiens d’évaluation systématiques et un manque de procédures claires pour gérer les employés en situations critiques . En conséquence, la confiance des employés envers la hiérarchie s’est érodée – la presse rapporte qu’en 2022, le SRC a connu près de trois fois plus de démissions qu’à l’habitude, signe d’un malaise interne . Ces lacunes managériales sont suffisamment sérieuses pour accroître le risque de dérives internes (fuites d’information, employés malveillants, etc.) . L’AS-Rens exhorte d’ailleurs le service à éliminer ces carences « de toute urgence » .


Au-delà des ressources humaines, le SRC a également révélé des failles organisationnelles et structurelles dans son fonctionnement opérationnel. Des affaires ont montré des insuffisances en matière de sécurité interne, de respect des procédures légales et de coordination. Un cas emblématique remonte à 2012 : un informaticien du SRC a pu soustraire des données ultra-sensibles des serveurs de renseignement sur une longue période sans être détecté . L’enquête ultérieure a montré plusieurs défaillances : aucune alerte interne ne s’est déclenchée malgré le comportement problématique de cet employé (conflit ouvert avec sa hiérarchie, plaintes de mobbing, accès modifiés aux systèmes) . La direction pensait le conflit résolu, alors que l’employé a continué à copier des téraoctets de documents secrets sur des disques durs qu’il a pu sortir librement du siège du SRC . Ce vol de données n’a été découvert que fortuitement, à l’intervention d’une banque (UBS) alertant sur des mouvements suspects, et non grâce aux contrôles du SRC . Parmi les failles relevées à l’époque figuraient donc l’absence de surveillance des accès aux données, l’incapacité à détecter en interne une exfiltration massive d’informations, et un contrôle quasi inexistant des sorties de supports de stockage hors du siège . Ces lacunes organisationnelles et sécuritaires trahissaient un défaut de culture de sécurité et de gestion du risque interne, imputable au management de l’époque.


Plus récemment, une « cyberaffaire » a mis en lumière d’autres carences graves. Entre 2015 et 2020, la division cyber du SRC a mené des opérations illégales et très peu professionnelles en traquant des pirates informatiques sans autorisation juridique . Un rapport d’enquête administrative externe (réalisé par l’ancien juge fédéral Niklaus Oberholzer) – longtemps gardé secret puis partiellement révélé fin 2022 – dresse un constat sévère : le SRC a contourné les bases légales et procédures établies dans ses activités de cyberdéfense . Concrètement, la nouvelle unité cyber du renseignement a obtenu illégalement des données auprès de fournisseurs privés et les a transmises à des entreprises de sécurité privées, en rémunérant ces intermédiaires, et ce sans aucune autorisation ni supervision appropriée . Autrement dit, le SRC s’est arrogé des moyens d’action en dehors de tout cadre légal, « selon son propre bon vouloir » . Si ces méthodes ont peut-être permis de repousser certaines cyberattaques contre la Suisse, elles représentent de graves violations de la loi, comme le souligne le rapport . En outre, l’enquête pointe un défaut criant de traçabilité et de contrôle interne : les processus mis en œuvre n’ont pas été correctement documentés ni encadrés, « de sorte qu’une reconstitution ultérieure des opérations dans le détail s’avère impossible » . Ce manque de documentation et d’encadrement trahit des faiblesses structurelles et managériales – les processus n’étaient ni formalisés ni surveillés suffisamment par la hiérarchie. L’affaire témoigne aussi d’un problème de supervision : il semble qu’en interne personne n’ait empêché ni détecté ces dérives pendant des années, ce qui soulève des questions sur la culture de compliance et les lignes de contrôle au sein du SRC.


Face à ces critiques, le SRC a entamé une réorganisation interne sous l’égide de son nouveau directeur (nommé en 2022, dans le contexte d’une réforme du service). Ce programme de « transformation » vise à clarifier les questions de structures, de méthodes de travail et de politique du personnel . Autrement dit, la direction reconnaît la nécessité de revoir le fonctionnement du service en profondeur – un aveu que les problèmes ne sont pas que ponctuels mais bien structurels. L’AS-Rens confirme d’ailleurs que la refonte de l’organisation du SRC est indispensable pour le rendre pleinement efficace, notant « qu’il n’y a pas de solution de réserve » (pas d’alternative à la réforme) . Parmi les mesures envisagées figurent un renforcement des effectifs de soutien (pour la gestion RH notamment) , une surveillance accrue des processus internes sensibles (archivage, sécurité de l’information, etc.) et l’établissement d’un véritable cadre de contrôle interne pour réduire les risques d’abus ou de défaillance . L’objectif est de corriger les failles organisationnelles (clarifier les rôles, améliorer la coordination interne) et les failles managériales (mieux former les cadres, instaurer des procédures robustes de suivi du personnel) qui ont été identifiées.


Dysfonctionnements au sein du Ministère public de la Confédération (MPC)

Le Ministère public de la Confédération – chargé des poursuites pénales au niveau fédéral – n’a pas été épargné par les critiques, souvent similaires dans leur nature. Depuis de nombreuses années, le MPC et en particulier son Procureur général ont fait l’objet de critiques récurrentes . Fait notable, ces critiques ont persisté malgré les changements de procureur général au fil du temps , ce qui suggère que les problèmes dépassent les personnes et pourraient être structurels. En 2020, le Conseil des États s’est explicitement interrogé « s’il ne s’agit pas plutôt d’un problème structurel qui exigerait d’adapter l’organisation, la compétence et la surveillance du Ministère public » . Autrement dit, le cadre dans lequel opère le MPC – son organigramme interne, la répartition des compétences avec les autorités cantonales, et le système de surveillance de son activité – pourrait comporter des lacunes affectant son bon fonctionnement.


Plusieurs dysfonctionnements organisationnels du MPC ont été relevés dans divers rapports et affaires. D’une part, le partage des compétences entre le parquet fédéral et les instances cantonales a parfois engendré une confusion et un manque de coordination. Par exemple, la loi attribue au MPC la poursuite de certaines infractions graves (crime organisé, terrorisme, corruption internationale, etc.), mais il doit coopérer avec les polices cantonales et les procureurs cantonaux. Historiquement, cette coordination n’a pas toujours été optimale – ce fut l’objet de réformes antérieures. On se souvient qu’en 1999, la Confédération a opéré une séparation et un regroupement des services de police fédéraux pour améliorer la coopération avec le MPC : la Police judiciaire fédérale a été détachée du MPC et rattachée à l’Office fédéral de la police afin de créer un interlocuteur unique pour les cantons et d’éviter de morceler la lutte contre la criminalité organisée . Cette réorganisation répondait déjà à une exigence de simplicité et de clarté structurelle (une seule chaîne de commandement) pour gagner en efficacité . Malgré ces progrès, des conflits de compétence et des doublons dans les procédures ont pu subsister au fil des années, suggérant que la frontière entre les attributions fédérales et cantonales n’est pas toujours limpide. Des procureurs cantonaux ont pu déplorer que certaines affaires passent de leur autorité à la Confédération en cours de route, ou inversement, occasionnant des lenteurs et pertes d’efficacité . Le règlement des conflits de compétence et la coordination police-justice font d’ailleurs partie des chantiers cités dans un rapport de travail mandaté par le Conseil fédéral . En résumé, sur le plan structurel, le MPC a été critiqué pour le manque de coordination et de clarté dans son périmètre d’action, ce qui peut conduire à des procédures lourdes et à une efficacité réduite de la poursuite pénale au niveau fédéral.


D’autre part, le système de surveillance et de gouvernance du MPC a montré ses limites, en particulier lors de l’affaire qui a conduit à la démission du Procureur général Michael Lauber en 2020. Le MPC est supervisé par l’Autorité de surveillance du MPC (AS-MPC, organe indépendant), ainsi que par les Commissions de gestion du Parlement (CdG) qui exercent la haute surveillance. Or, lors des « rencontres informelles » non déclarées entre M. Lauber et le président de la FIFA (Gianni Infantino) en pleine enquête sur la corruption dans le football, de graves problèmes de gouvernance interne et de supervision sont apparus. L’AS-MPC a ouvert une enquête disciplinaire contre M. Lauber, et les Commissions de gestion parlementaires ont lancé en 2019 une inspection pour comprendre les divergences de position entre le procureur et son organe de surveillance . Cette crise a mis en évidence un climat de méfiance et un défaut de coordination entre le MPC et son autorité de surveillance. Il est apparu que le cadre légal ne définissait pas assez précisément le pouvoir de l’AS-MPC, ses moyens d’investigation et son accès aux informations, face à un Procureur général qui contestait certaines injonctions. En fin de compte, Lauber a quitté ses fonctions fin août 2020 en raison de ces manquements , laissant le MPC sans chef attitré pendant un certain temps.


Suite à cet épisode, un rapport final publié en 2021 a recommandé de renforcer l’Autorité de surveillance du MPC et de combler un certain nombre de lacunes administratives . Parmi les mesures proposées : clarifier le droit de donner des directives de l’organe de surveillance et lui assurer un « large accès aux dossiers, y compris les procédures en cours » . Le rapport prône de professionnaliser la surveillance (membres à plein temps mieux outillés) et d’améliorer les ressources et pouvoirs de l’AS-MPC, à l’image de ceux dont disposent les commissions parlementaires de surveillance . En outre, les instances de contrôle ont suggéré d’examiner la mise en place d’une direction collégiale à la tête du MPC plutôt qu’un procureur général seul . Cette proposition reflète le constat qu’une concentration du pouvoir décisionnel entre les mains d’une seule personne a pu conduire à des dérives ou à un manque de transparence – un collège de procureurs généraux adjoints pourrait garantir davantage de contrepoids et de collégialité dans la gestion du parquet fédéral . On note aussi des recommandations pour mieux définir les rapports entre le Parlement et la direction du MPC, et pour repenser la procédure de nomination/réélection du procureur général afin d’éviter les écueils d’une élection trop politisée ou d’une révocation compliquée . L’ensemble de ces réformes visent à corriger les dysfonctionnements structurels et administratifs révélés par l’affaire Lauber, en particulier le manque de clarté dans la répartition des rôles et la faiblesse relative du contrôle externe.


Au-delà de la question de la surveillance, le MPC a également connu des failles managériales et opérationnelles internes. À plusieurs reprises, sa méthode de travail a été mise en cause dans des affaires retentissantes. Par exemple, dans les années 2000, la gestion de l’affaire Oskar Holenweger (banquier zurichois accusé de blanchiment) a suscité de sévères critiques. L’enquête du MPC dans ce dossier a été entachée d’irrégularités (recours à un agent infiltré controversé, échanges de documents sensibles avec l’étranger, etc.) et s’est soldée par un échec retentissant – Holenweger a été acquitté en 2011, après près de huit ans de procédure. À la suite de cet acquittement, l’AS-MPC a ordonné une inspection du travail du MPC en constatant qu’« ces derniers temps, le MPC a attiré l’attention en raison de quelques mauvaises affaires » . Déjà en 2008, dans le cadre de l’affaire Holenweger, des voix politiques accusaient le MPC d’avoir violé le secret de l’enquête et la présomption d’innocence en communiquant des informations confidentielles à une commission parlementaire – une « manière non professionnelle de travailler » selon un communiqué de l’époque . De même, l’affaire dite des dossiers Tinner (concernant des trafiquants de technologie nucléaire) a exposé des problèmes de gestion entre le MPC et le Conseil fédéral, ce dernier ayant ordonné la destruction de preuves classifiées en pleine procédure, ce qui a compromis l’action du parquet. Ces exemples montrent un manque de rigueur et de coordination dans certaines enquêtes complexes, imputable soit à la hiérarchie du MPC, soit à un défaut de collaboration avec d’autres autorités (exécutif, police, etc.). En interne, il a été rapporté durant la crise Lauber que le climat de travail au MPC s’était dégradé, avec une baisse de confiance envers la direction et des départs de personnel. Ainsi, on retrouve, comme au SRC, l’idée que des problèmes de culture d’entreprise et de gestion du personnel ont pu affaiblir l’efficacité de l’institution dans son ensemble.


Enfin, la charge de travail et l’efficacité opérationnelle du MPC font l’objet d’un examen attentif. Avec l’augmentation des affaires complexes (corruption internationale, terrorisme, cybercriminalité…), le MPC a dû s’adapter pour mener à bien ses poursuites. Or, des voix s’interrogent sur sa capacité à traiter toutes les affaires avec célérité et efficacité. Le Parlement a notamment demandé si la définition actuelle des compétences du MPC « répond aux exigences d’une poursuite pénale efficace » , laissant entendre que ce n’est pas pleinement le cas. Des améliorations ponctuelles ont été suggérées, par exemple pour accélérer la clôture de certaines procédures ou éviter que des enquêtes ne s’éternisent au point de perdre en pertinence. La mise en place en 2011 du Code de procédure pénale unifié a transféré davantage d’affaires au niveau fédéral (crimes économiques, etc.), surchargeant potentiellement le MPC. Un projet interne surnommé « projet Efficacité » avait été lancé pour restructurer le parquet et gagner en productivité, mais les résultats ont semblé mitigés et les critiques d’inefficacité ont perduré . En résumé, le MPC a été tenu pour responsable de lenteurs et de certaines maladresses opérationnelles dans la conduite de dossiers majeurs, ce qui a entaché son bilan.


Comparaison des dysfonctionnements du SRC et du MPC

Malgré les différences de mission entre le SRC (renseignement/sécurité) et le MPC (justice/poursuites pénales), les dysfonctionnements relevés présentent des similitudes frappantes sur le plan de l’administration, de la coordination et de l’efficacité :

Carences managériales et climat interne délétère : Aussi bien le SRC que le MPC ont souffert d’une mauvaise gestion interne du personnel et d’une perte de confiance des employés envers la hiérarchie. Au SRC, cela s’est traduit par un encadrement lacunaire, des erreurs dans les dossiers du personnel, l’absence de procédures RH adéquates et un taux de rotation anormalement élevé . Au MPC, un problème de culture d’entreprise et de leadership est apparu notamment lors de l’ère Lauber, où le procureur général a été mis en cause pour son comportement et où l’on a constaté des tensions avec les subordonnés et l’organe de surveillance. Dans les deux cas, ces failles managériales ont affaibli le fonctionnement de l’institution : motivation en berne, risques accrus de comportements déviants (par exemple un agent du SRC qui trahit ou un procureur qui outrepasse les règles), et difficultés à retenir les talents. En un mot, le facteur humain et la gouvernance interne défaillante sont un point commun des deux institutions.

Faiblesses des contrôles internes et de la conformité : Les deux organismes ont été pris en défaut pour ne pas avoir respecté ou fait respecter les règles établies. Le SRC a laissé des employés copier des données confidentielles sans s’en apercevoir et a mené pendant des années des opérations hors cadre légal (surveillance illégale de hackers) en l’absence de processus de contrôle suffisants . De son côté, le MPC a connu des manquements à la déontologie et à la confidentialité (révélations indues de pièces d’enquête, réunions secrètes avec des justiciables, etc.) qui ont violé les devoirs de fonction . Dans les deux cas, l’absence de garde-fous internes efficaces – qu’il s’agisse de dispositifs techniques, de supervision hiérarchique ou de culture du respect strict des procédures – a permis ces dérives. Cela révèle un problème structurel de compliance et de contrôle interne commun au SRC et au MPC, où les procédures existantes soit n’étaient pas assez rigoureuses, soit n’ont pas été appliquées avec suffisamment de sérieux.

Dysfonctionnements structurels et organisationnels : Un autre parallèle réside dans le besoin de réformes structurelles pour remédier aux problèmes. Le SRC a engagé une transformation pour revoir son organisation, clarifier les responsabilités et améliorer ses méthodes de travail . De même, le MPC fait l’objet de réflexions quant à sa structure de direction (on envisage de passer à une direction collégiale plutôt que pyramidale) et quant à la répartition de ses compétences avec d’autres organes . Les deux institutions ont montré que leur organisation actuelle pouvait être inadaptée aux défis modernes. Par exemple, le SRC a dû créer de nouvelles unités (cyber) sans avoir immédiatement le cadre adéquat pour les encadrer, ce qui a mené à des abus . Le MPC, de son côté, a vu ses compétences s’élargir (lutte anticorruption internationale, etc.) sans que son mode de fonctionnement (direction unique, surveillance externe légère) n’évolue assez vite, d’où une remise en question de ce cadre hérité du début du siècle . Dans les deux cas, les autorités ont conclu à l’importance d’adapter l’organisation : pour le SRC, cela passe par un renforcement des effectifs de support et une redéfinition des processus internes ; pour le MPC, par un ajustement législatif de son mode de gouvernance et de son positionnement institutionnel . On remarque également que tous deux ont eu des difficultés à rester performants sur tous les fronts simultanément en raison de ressources insuffisantes ou mal allouées – « les ressources étaient trop faibles » notait la surveillante du SRC en 2024 , tandis que le MPC a dû prioriser certaines affaires au détriment d’autres, suscitant des critiques.

Manque de coordination et communication défaillante : Le thème du silo ou du manque de coordination revient tant pour le SRC que pour le MPC. Au SRC, les rapports pointent un cloisonnement possible entre certaines unités (par ex. la division cyber opérant de façon isolée sans reporting adéquat), et potentiellement un déficit de coopération avec d’autres acteurs de la sécurité (comme Fedpol ou les polices cantonales dans le partage d’information). Au MPC, le manque de coordination a pu se manifester dans les relations avec l’AS-MPC (chaque partie campant sur ses positions au lieu de collaborer, d’où l’intervention du Parlement ) mais aussi dans les interactions fédéral-cantons lors d’enquêtes où plusieurs juridictions sont impliquées. Dans le système suisse, il est crucial que les entités fédérales travaillent main dans la main avec les entités cantonales ; or, tant le renseignement (pour la sécurité intérieure, l’anti-terrorisme, etc.) que le parquet fédéral (pour les affaires pénales complexes) ont parfois pêché par mauvaise communication ou chevauchement des efforts. Ce manque de coordination nuit à l’efficacité opérationnelle, que ce soit pour prévenir une menace (SRC) ou poursuivre un crime (MPC). Les deux institutions ont donc reconnu la nécessité d’améliorer leurs mécanismes de coordination interne et externe afin de remplir correctement leurs missions.

Conséquences sur l’efficacité opérationnelle : En dernier lieu, les carences identifiées ont eu un impact sur les performances effectives des deux entités. Le SRC, occupé à gérer ses problèmes internes et n’ayant pas des fondations solides, « n’a pas toujours pu fournir tout son rendement ces dernières années » . Son efficacité à anticiper les menaces ou à produire du renseignement de qualité a pu être entamée par ces dysfonctions (un agent démotivé ou mal encadré est moins productif, une unité qui outrepasse la loi peut compromettre des opérations, etc.). Du côté du MPC, chaque crise ou échec retentissant (enquête abandonnée, procès perdu faute de preuves exploitables, etc.) a entamé la confiance du public et des décideurs dans sa capacité à rendre la justice de manière efficiente. Des procédures trop longues ou mal menées signifient que la répression pénale perd de son tranchant, avec un risque que la Suisse apparaisse comme « le maillon faible » dans certaines poursuites internationales. En somme, dans les deux cas, l’inefficacité opérationnelle est à la fois le symptôme et la conséquence des problèmes organisationnels et managériaux mentionnés.


Conclusion

L’analyse des carences du SRC et des critiques visant le MPC révèle une problématique commune de gouvernance et d’organisation au sein de certaines institutions fédérales suisses. Des failles internes – qu’elles concernent la gestion du personnel, la structure hiérarchique, les processus de travail ou la coordination interservices – peuvent sérieusement entraver la mission de services aussi stratégiques que le renseignement et le parquet national. Dans le cas du SRC, des mesures d’urgence ont été préconisées pour combler les lacunes en matière d’encadrement et de sécurité interne , et une réforme structurelle est en cours pour moderniser l’outil de renseignement . Du côté du MPC, les événements récents ont servi de catalyseur pour repenser son mode de fonctionnement (surveillance renforcée, éventuelle direction collégiale, clarification des compétences) . La comparaison met en lumière que les dysfonctionnements administratifs ne sont pas isolés, mais tiennent parfois à des défis systémiques dans l’administration fédérale (complexité du fédéralisme, équilibre entre indépendance et contrôle, adaptation aux nouvelles menaces ou formes de criminalité). Il est encourageant de constater que ces problèmes ont été identifiés par les organes compétents et font l’objet de corrections. Assurer une bonne gouvernance, des structures adaptées et une culture interne saine est indispensable pour que le SRC comme le MPC remplissent efficacement leurs missions régaliennes, garantissant ainsi la sécurité et la justice en Suisse.


Sources :  Rapports de l’AS-Rens (2023) sur le SRC ; Enquête SonntagsZeitung sur le SRC (affaire 2012) citée par ICT Journal ; Enquête Oberholzer sur l’unité cyber du SRC (2015–2020) révélée en 2024 ; Rapport d’activité de la surveillance du SRC, interviews de Prisca Fischer (AS-Rens) rapportées par SWI swissinfo ; Communiqué de l’UDC (2008) sur l’affaire Holenweger ; Postulat parlementaire (2020) et rapport d’experts sur le MPC ; Dépêches ATS/Radio Lac sur le rapport des Commissions de gestion relatif au MPC (2021) ; et divers articles de presse (Swissinfo, NZZ am Sonntag) sur les dysfonctionnements du SRC et du MPC . Les informations recoupées convergent pour dresser ce diagnostic comparatif détaillé.


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