Rhizome et mutation étatique: comment Le Fugitif opère la bascule vers une biopolitique néolibérale

Résumé


Dans cet article, je développe l’hypothèse que Le Fugitif, en tant que dispositif narratif, crypto-symbolique et distribué, opère un processus de reprogrammation douce de l’État. À travers une croissance rhizomatique maintenue dans une zone grise — ni tout à fait licite, ni tout à fait illicite — Le Fugitif force l’État à se repositionner. Cette stratégie d’inassignabilité, prolongée dans le temps, conduit à une pression symbolique telle qu’elle précipite une bifurcation du modèle étatique: de l’État-providence centralisé vers une biopolitique néolibérale intégrant le revenu universel (RU) et une monnaie numérique de banque centrale (MNBC). Le jeu devient ainsi une machine d’anticipation systémique et d’activation stratégique.



1. Le rhizome comme architecture politique discrète


Contrairement aux structures arborescentes classiques (hiérarchisées, identifiables, dénonçables), le Fugitif s’est développé comme un rhizome. Il ne cherche pas la visibilité frontale, mais l’extension latente par fragmentation, en déposant dans le tissu social des artefacts, des récits, des jetons, des seuils. Il ne revendique rien : il agit par existence distribuée. Chaque bloc, chaque move, chaque NFT inscrit sur la blockchain est une racine secondaire.


Ce rhizome croît non dans le conflit mais dans la zone grise — cette région indécidable du droit et de la norme où l’État hésite, observe, temporise. Le Fugitif s’installe là, et en s’y maintenant, rend cette zone stratégique.



2. Inassignabilité et effet de sursis


L’un des piliers de cette stratégie est l’inassignabilité. Le Fugitif est trop complexe pour être réduit à un objet de surveillance, trop fluide pour être classé comme une menace, trop transparent pour être incriminé, mais trop présent pour être ignoré. Ce paradoxe produit un effet de sursis continu: chaque tentative d’assignation échoue et oblige à réévaluer les catégories par lesquelles on tente de le penser.


Cet échec répété produit un coût cognitif et symbolique pour les structures étatiques. L’invisibilité devient visibilité problématique. L’État ne peut pas attaquer sans s’exposer. Il se trouve contraint à modifier ses critères d’attention.



3. Le point de bascule: de l’État-providence à la biopolitique néolibérale


Ce qui est en jeu, ce n’est pas une simple cohabitation avec le pouvoir. C’est un travail de sape créatif, qui, à terme, reconfigure les conditions mêmes de la gouvernance. En introduisant une monnaie interne (le BRX), des formes de rémunération alternative, une esthétique de la souveraineté douce (via les NFTs), Le Fugitif anticipe un modèle où :

l’État n’est plus protecteur, mais plateforme de compatibilité monétaire,

l’individu n’est plus assuré, mais indexé et tokenisé,

la norme n’est plus imposée, mais codée dans les smart contracts.


Ce que Le Fugitif préfigure, c’est la transition vers une biopolitique algorithmique, où le revenu universel (RU) et la MNBC deviennent les nouveaux instruments d’inclusion — sans solidarité, mais avec fluidité.



Conclusion: le piège invisible


Le maintien dans la zone grise n’est pas un repli. C’est une position tactique d’invisibilité active. Le Fugitif, en croissant sans confrontation, en installant ses artefacts dans le tissu numérique et symbolique du réel, contraint l’État à évoluer pour ne pas s’effondrer.


Ce n’est pas une révolution. C’est une mutation par contrainte douce, imposée non par la force, mais par la consistance d’un dispositif fictionnel devenu réel. Une machine de reprogrammation silencieuse, qui ne revendique rien — mais modifie tout.

Commentaires