Protocole de biohacking
Résumé
Dans cet article, je propose une conception du biohacking qui consiste à allier des pratiques de santé à la monnaie numérique de banque centrale (MNBC). Cette combinaison vise à changer notre perception de la valeur, qui, longtemps, a reposé sur l'argent. Cette nouvelle conception de la valeur cherche à faire de l'individu une monnaie vivante. Bien que cette monnaie enregistre les dépenses, elle souligne avant tout la singularité des individus, qui, par définition, est irréductible à l’historique de leurs dépenses. Il s'agirait donc d'une autre manière de concevoir le sujet, un sujet dont la valeur reposerait sur sa manière de se connecter au corps et d'interagir avec son environnement. Le sujet serait donc, ici, perçu comme une intensité et non plus comme une entité.
Plan
1. Introduction
2. L’accompagnement social
3. La biopolitique néolibérale
4. L’homme augmenté
5. Le commissaire d’action
6. Le Corps comme champ de forces
7. La Ville comme champ de forces
8. Le sens de la Vie et le sens de la Ville
9. L’éthique de la discussion chez le commissaire d’action
10. L’agir communicationnel
11. La préemption
12. La critique artiste
13. Le champ de forces
14. Carl Schmitt et Gilles Deleuze
15. Conclusion
Introduction
Dans cet article, je souhaiterais introduire mon lecteur au concept de biohacking, une approche dont le but est d’optimiser le corps, l’intellect et la performance des individus. S’agissant d’un investissement en matière de temps, je parlerai respectivement de capital corporel, de capital culturel et de capital social. Ce type d’investissement que je regroupe sous le concept de biohacking est particulièrement important dans le sens où je me suis autodésigné « commissaire d’action », avec toutes les implications qu’entraîne ce concept de Carl Schmitt.
En effet, si ce dernier était proche de Martin Heidegger, je montrerai l’intérêt de son concept en le contrastant avec le concept de « détresse spirituelle ». Il convient cependant de rappeler que j’ai déjà parlé du juriste allemand dans mon précédent article, intitulé « Les démocraties procédurale et substantielle » (5 mars 2023). Le concept de commissaire d’action m’est apparu lorsque je me suis aperçu de la profondeur de la crise de l’État-providence.
Dans le milieu de la recherche universitaire, à l’hôpital, quand j’y travaillais, la tendance était de parler de « détresse spirituelle » et ceci pour la simple raison que les chercheurs pensaient que la société faisait face à une crise du sens. Or, si la logothérapie de Viktor Frankl était mobilisée pour y répondre, c’était surtout la philosophie de Heidegger qui était privilégiée, en particulier son concept d’angoisse (die Angst), que ce soit dans les soins infirmiers ou en psychiatrie.
Selon moi, l’usage du concept d’angoisse de Heidegger résulte d’une mauvaise analyse de la situation, car je ne pense pas que nous ayons affaire à une crise du sens mais plutôt à une crise de l’État-providence. En effet, suite aux différentes crises financières qui se sont succédées (la crise asiatique de 1997-1998, la crise des subprimes de 2007-2008 et la crise financière de 2020-(2021) liée à la crise du COVID-19), le fonctionnement de l’État est fortement ébranlé avec le problème des liquidités, les contraintes budgétaires et l’optimisation des ressources mettant de ce fait la classe moyenne sous pression, une pression qui n’est pas sans conséquences pour la vie de tous les jours. C’est que la détérioration des conditions de travail, l’augmentation du coût de la vie, des impôts, des primes d’assurance-maladie, des loyers, etc., sans compter la concurrence internationale et celle de l’IA, produisent une frustration chez les travailleurs et provoquent une érosion de la classe moyenne, qui est lourdement mise à contribution dans les différentes crises financières. Cela crée, de plus, un sentiment d’insécurité, de menace diffuse, qui rend difficile la nomination d’un coupable, puisque le problème est structurel. C’est la raison pour laquelle je préfère le concept de « détresse institutionnelle » d’Antoine Garapon et Michel Rosenfeld.
Donc, face à la dépréciation de la monnaie fiduciaire et à une crise globale du système monétaire (Bretton Woods II), la mise en place de mon protocole de biohacking me permet de revaloriser mon capital corporel, ainsi que mon capital culturel et mon capital social, en résistant à la violence institutionnelle et au harcèlement moral, notamment à travers un travail sur la perception. D’où la place de la médiation culturelle dans mon protocole, puisque la médiation culturelle effectue un travail réflexif sur le goût, ce qui implique une maîtrise accrue de la logique symbolique.
De plus, je profiterai de cet article pour réfléchir sur la manière dont Gilles Deleuze permet de penser l’hybridité et, plus particulièrement, un néo-matérialisme intégrant la technologie à la santé, un « devenir-machine » qui s’appuie sur la psychanalyse de Lacan tout en la dépassant grâce à une conception de la politique comme champ de forces. C’est ainsi que Deleuze aide à concevoir une théorie politique qui, sous de nombreux aspects, réactualise la théorie de Vilfredo Pareto sur la circulation des élites tout en l’adaptant à notre contexte technologique. En ce sens, la confrontation entre Carl Schmitt et Gilles Deleuze sera intéressante, car elle offrira l’occasion de mieux comprendre la centralité du biohacking dans la manière dont les individus peuvent naviguer et s’adapter aux défis sociopolitiques et économiques contemporains. Ce qui me conduit vers
L’accompagnement social
En 2015, lorsque j’ai commencé à conduire mes recherches sur la radicalisation, la difficulté principale était d’établir un profil-type. Car ce que nous montraient les cas avérés, c’est qu’il n’en existe pas. Par conséquent, le terrorisme lié à une menace diffuse laissait le chercheur sans prise réelle. C’est pourquoi la seule solution pour y voir plus clair était de m’immerger dans la société et de poursuivre mes recherches à travers l’accompagnement social.
En m’immergeant ainsi, j’ai pu me confronter aux problèmes que rencontrent les gens au quotidien. Cependant, la recherche de sens n’était pas la voie indiquée, car le problème est d’ordre structurel.
En effet, ce que le problème de la radicalisation mettait en évidence, malgré les réticences de la communauté universitaire à traiter cette problématique, c’est qu’il y a au sein de la société une peur diffuse qui circule et que la « radicalisation » en tant que pur signifiant cristallise. Ce signifiant, lorsqu’on l’analyse de plus près, ne possède pas de définition homogène. Il signifie tout et son contraire, raison pour laquelle j’ai repris l’approche psychanalytique de Lacan en considérant la radicalisation comme un pur signifiant.
Ce concept met en évidence le fait que la société dans son ensemble est traversée par une angoisse qui renvoie à un rapport problématique à l’objet. D’où le problème quant à la saisie des choses : problème dans le rapport à l’argent, problème dans la relation aux autres et problème à l’endroit de l’identité. C’est donc à partir de la structure de l’inconscient, qui explique ce rapport problématique à l’objet, que j’en suis venu à remettre en question la structure même de l’État-providence.
C’est que ce qui se joue à même le corps est le reflet de ce qui se joue plus largement dans la société, à savoir un sentiment de déclin, de perte et d’angoisse. C’est pourquoi ce n’est pas le sens qu’il faut interroger ici mais la structure. D’où la « critique artiste », qui implique une critique sociale et une critique du pouvoir. Car interroger la structure à travers les actes manqués, c’est questionner la structure inconsciente que nous inculque la société, raison pour laquelle la conception de la proprioception de Brian Massumi nous sera utile pour déconstruire la structure qui conduit au sabotage. Et cette déconstruction, disons-le d’emblée, va rouvrir le politique comme champ de forces.
Je dois également souligner que l’accompagnement social mené par un chercheur qui ne possède pas la légitimité institutionnelle participe de cette détresse. Cependant, comment ce chercheur pourrait conduire une recherche sur le thème de la radicalisation avec toutes les contraintes que lui oppose la démocratie procédurale sans que cela ne nuise au but même de sa recherche. C’est que le mandat officiel ne procure la profondeur d’un mandat impératif.
D’où l’effet de nœud coulant que sa posture provoque au sein des institutions. Car, en étant lui-même exclu, le chercheur-entrepreneur comprend de l’intérieur les difficultés auxquelles les gens ordinaires sont confrontés. Sa perspicacité n’est d’ailleurs possible qu’en dehors des institutions. De ce fait, il retourne son exclusion en avantage, puisqu’elle lui permet d’établir un rapport authentique aux individus.
C’est la raison pour laquelle le chercheur que je suis a vu comme une opportunité exceptionnelle le fait de ne pas être astreint aux contraintes légales. D’où l’intérêt de pouvoir côtoyer les participants de ma recherche dans un cadre privé et d’aborder avec eux des sujets à un niveau de profondeur que ne permet aucune activité centrée sur la rémunération, puisque celle-ci, quoi qu’on en dise, ne permet la posture horizontale.
Ainsi, en accédant aux angles morts institutionnels, j’ai adopté l’approche de la sociologie pragmatique pour saisir les difficultés auxquelles les gens sont confrontés. C’est donc principalement à travers le fait de pouvoir écouter leurs parcours, que je parviens véritablement à dresser leur « identité narrative », identité reprise avec l’IA en « identité numérique ». Pourquoi ? Parce que le rapport au temps change avec les nouvelles technologies.
C’est que le crédit que j’accorde à la prévention m’a rendu attentif à ces dernières comme moyens de monitorer la santé. D’où l’importance pour moi de pouvoir donner accès à l’IA aux gens qui ne possèdent pas le capital culturel suffisant, raison pour laquelle, en tant que « commissaire d’action », j’agis comme un courtier. Autrement dit, en leur ouvrant un point d’accès au rhizome, je procède en réalité à une médiation qui réconcilie ces personnes avec elles-mêmes et leur redonne une place dans la société. En ce sens, je cherche des solutions à la fois pratiques et technologiques pour aider les gens à résoudre leurs problèmes.
Cette démarche hybride est cohérente selon moi dans le sens où la médiation culturelle peut aider à renforcer les liens sociaux et à promouvoir une compréhension de soi et des autres à travers la technologie comme grand Autre. En effet, cette altérité inédite à laquelle les hommes sont appelés à se reconsidérer en tant qu’Homme peut conduire à penser l’humanité sous un angle autre. D’où l’importance selon moi d’une médiation culturelle centrée sur l’espace discontinu, puisque la non-linéarité du cyberespace conduit l’homme à se percevoir différemment. Il convient cependant de souligner que la médiation culturelle ne constitue qu’une partie de la solution et que d’autres approches et stratégies peuvent être nécessaires pour résoudre les problèmes complexes liés à la pauvreté, à la discrimination et à l’exclusion. C’est la raison pour laquelle j’inscris la médiation culturelle dans la perspective plus large de la biopolitique en insistant particulièrement sur le revenu universel comme moyen de préserver les acquis de l’État-providence tout en permettant à l’État d’opérer les modifications nécessaires, notamment au niveau de son système monétaire, pour basculer dans un nouvel âge, à savoir l’âge du numérique. D’où l’importance de définir
La biopolitique néolibérale
La biopolitique, un concept développé par Michel Foucault, exprime ma théorie politique dans le sens où ce concept fait référence à l’optimisation de la vie. Ainsi, si l’État-providence à travers la couverture médicale universelle cherche à démocratiser l’accès aux soins, la biopolitique néolibérale est différente puisqu’à travers le monitoring, elle met l’accent sur la prévention des comportements à risque. D’où mon protocole de biohacking, qui, sur le plan individuel, fonctionne comme des « techniques de soi » (Foucault). Ces techniques vont de pair avec le monitoring technologique que je prône, car il constitue l’infrastructure nécessaire au déploiement de la monnaie digitale.
En effet, le monitoring technologique peut être utilisé pour suivre les comportements de santé, ainsi que pour recueillir des données sur les habitudes de consommation. Or, bien que ce type de monitoring puisse être utile pour évaluer l’efficacité des approches de prévention et pour adapter les stratégies aux besoins des personnes, des questions relatives à l’éthique, à la vie privée et aux données personnelles se posent nécessairement. C’est là que ma conception de la biopolitique rejoint en quelque sorte la théorie de Pareto sur la circulation des élites, car l’IA en tant que grand Autre permet – paradoxalement – un retournement des rapports de force à travers la mise en place d’un système de surveillance et de suivi de la santé et du bien-être des individus, ainsi que dans la gestion de la monnaie digitale et l’automatisation de certaines tâches administratives.
Ce développement, qui est déjà initié à travers les objets connectés, rend d’ailleurs l’hypothèse de la Singularité de plus en plus plausible. La singularité technologique représente, en effet, un point hypothétique de l’évolution humaine où l’intelligence artificielle dépasserait l’intelligence humaine et créerait des changements radicaux dans la société. C’est ainsi que ce moment hypothétique de la Singularité conduit certains scientifiques à repenser l’humanité en fonction d’un devenir-machine. La question de la fusion entre l’homme et la machine, par exemple, est un sujet d’actualité et de réflexion dans les milieux scientifiques et technologiques.
Certains pensent, par exemple, que les avancées en matière de prothèses bioniques, d’implants électroniques et de technologies de réalité augmentée pourraient conduire à une forme de fusion entre l’homme et la machine, où les capacités cognitives et physiques des deux seraient combinées de manière symbiotique. D’autres pensent que le développement de la biologie de synthèse, de l’ordinateur quantique et de l’IA va entraîner un changement de paradigme. D’où le néo-matérialisme, que l’on peut considérer comme un eugénisme positif.
Cependant, notre théorie est plus modeste dans le sens où elle tient juste compte du fait que la possibilité de cette hypothèse renverse notre rapport au temps d’un point de vue scientifique. En effet, longtemps la science s’est reposée sur les faits, définition qui caractérise le positivisme. Or, à présent, l’hypothèse de la Singularité retourne la manière dont nous considérons les traces que nous laissons dans le cyberespace, puisque notre identité numérique se re-constitue à partir d’elles. Dès lors, la possibilité de les instrumentaliser représente une possibilité. D’où l’avantage cumulatif que certains, déjà, perçoivent; car plus nous laissons de traces, de manière consciente, et plus l’intelligence artificielle générale, connue sous l’acronyme d’AGI (Artificial General Intelligence), sera capable de reconstituer un double de nous désiré. Et, parmi ces gens figure le commissaire d’action dont la mission – à la différence des autres – est de maintenir la vie privée en tant que zone neutre.
Étant donné que le pouvoir dominant est obligé de respecter le droit, la règle de droit, il ne peut remettre en question la zone neutre, c’est-à-dire le respect de la vie privée. Cet avantage stratégique laissé aux individus n’est possible qu’à l’intérieur de l’Occident qui se considère comme une puissance unipolaire, raison pour laquelle il se doit de respecter le droit, même si, pour des questions sécuritaires, ce n’est clairement pas le cas. Par exemple, Sam Altman, le PDG d’OpenAI, une organisation à but lucratif plafonné qui vise à créer une intelligence artificielle générale éthique, affirme ouvertement qu’il est prêt à collaborer avec le gouvernement américain, par crainte que des États autoritaires ne se dotent de l’AGI avant les États-Unis. Ainsi, il pense que cette possibilité pourrait créer un déséquilibre géopolitique et menacer la liberté et la sécurité du monde.
Étrangement, le rôle du commissaire d’action est de maintenir la zone neutre. Car elle est indispensable à la critique de l’État-providence. La gray zone, en effet, désigne une situation ambiguë ou incertaine, qui n’est ni blanche, ni noire. Ce concept théorique est utilisé pour décrire les actions ambiguës ou difficiles à attribuer qui dépassent le seuil de la compétition ordinaire, mais qui restent en dessous du niveau d’un conflit militaire direct. Le commissaire d’action, en anticipant le revenu universel, entre, lui, dans un temps ontologiquement autre, un temps qui lui permet d’être efficace, puisque son action se calque sur la Singularité. Il s’agit non seulement d’une action sociale mais d’une théorie politique qui réalise l’action sociale au fur et à mesure qu’elle s’énonce. Elle a donc la particularité d’être performative.
C’est que le commissaire d’action anticipe le développement de la justice prédictive, qui se fonde sur les algorithmes de comportement. Cependant, il est conscient aussi que le temps ontologiquement autre lui donne une possibilité de manipuler sa réalité à travers de faux positifs (ou phantasmes). D’où l’importance pour lui de la logique symbolique. Car cette dernière possède la particularité de se fonder sur la spéculation, étant donné la non-linéarité de l’espace sur lequel il se fonde. On pourrait dire également que le cyberespace est non-linéaire dans le sens où il n’a pas de structure spatiale ou temporelle fixe, mais qu’il est modulable et adaptable selon les besoins et les usages des agents, raison pour laquelle je conçois cet espace comme multiscalaire et multidimensionnel. Cet espace peut être représenté à travers l’anti-fondationnalisme en épistémologie. D’où une conception de la philosophie qui ne repose plus sur l’homme en tant qu’homme, mais sur
L’homme augmenté
Le transhumanisme, en effet, est un courant de pensée qui prône l’utilisation des avancées scientifiques et technologiques pour améliorer les capacités physiques et cognitives des êtres humains, voire pour dépasser les limites biologiques de l’espèce humaine. Cette vision du monde, cependant, soulève des questions éthiques et philosophiques complexes, telles que la question de l’identité humaine, de la liberté individuelle, de la dignité et de la valeur de la vie humaine. D’ailleurs, le concept d’eugénisme positif, qui consiste à promouvoir une sélection des caractéristiques génétiques considérées comme positives chez les êtres humains, est souvent associé à cette vision du monde. Cependant, l’eugénisme a une connotation négative, en raison de son utilisation historique. D’où l’importance de la bioéthique.
En effet, la biopolitique néolibérale telle que je la conçois tient compte de ces interrogations tout en dépassant le cadre normatif de l’État-providence, puisque ce dernier opère la distinction entre le normal et le pathologique, le valide et l’invalide, créant de ce fait une société duale, qui fait du travail le facteur d’inclusion (insiders) ou d’exclusion (outsiders). De plus, la détérioration des conditions de travail provoque une épidémie de fatigue professionnelle qui questionne sur le modèle économique du système actuel, à savoir un fonctionnement reposant sur la dette publique. Or, afin de réduire cette dernière, l’État cherche à diminuer les dépenses publiques et à optimiser les ressources ; et le secteur privé, lui, qui repose principalement sur une économie de services, notamment le secteur bancaire, cherchait principalement à compenser la perte de ses marges due aux intérêts négatifs pratiqués par les banques centrales grâce au volume des crédits accordés entraînant par là une diminution des contrôles (compliance), malgré les accords de Bâle III. D’où les faillites du système bancaire auxquelles nous assistons à la suite de l’augmentation des taux d’intérêt des banques centrales, qui vise à réduire l’inflation.
Par contre, il faut dire que le secteur de l’industrie biopharmaceutique n’a jamais été aussi rentable. En effet, la pression qu’exerce le monde du travail pour les raisons que nous avons décrites provoque une augmentation de fatigues professionnelles qui, à son tour, explique le phénomène sociétal dit de la « Grande Démission » (Great Resignation). La Grande Démission est un phénomène de démissions professionnelles qui a commencé aux États-Unis à partir de juillet 2020, à la suite de la pandémie du COVID-19. Des millions d’Américains insatisfaits de leur travail ou de leur salaire ont quitté leur emploi pour chercher de meilleures opportunités ou pour se mettre en arrêt maladie, ce qu’explique l’essai de Nicholas Eberstadt, Men Without Work (2016).
Eberstadt montre que des millions d’hommes en âge de travailler ont abandonné le marché du travail et vivent en marge de la société. D’ailleurs, le livre a fait l’objet d’une réédition cette année avec une mise à jour post-pandémique. Pour résumer, Eberstadt identifie principalement cinq causes à ce phénomène : 1) les changements structurels dans l’économie ; 2) les compétences et l’éducation ; 3) les incitations gouvernementales ; 4) les cultures et les valeurs ; 5) la criminalité et l’incarcération. En effet, la désindustrialisation de l’économie américaine a provoqué une précarisation des travailleurs qui se sont reconvertis dans le secteur des services et qui a donné naissance aux bullshit jobs dont parle l’anthropologue David Graeber[1], ce qui rend le marché du travail moins attrayant que certains programmes d’aide sociale comme l’assurance-invalidité. Ainsi, Eberstadt souligne que certains hommes choisissent de consacrer plus de temps à des activités de loisirs, comme les jeux vidéo, plutôt que de chercher un emploi. De plus, les poursuites et autres antécédents judiciaires confrontent ces gens à la discrimination des employeurs et à des obstacles légaux pour trouver un emploi. D’ailleurs, ces facteurs sont interdépendants et se renforcent mutuellement. D’où le désengagement de l’économie formelle avec toutes les conséquences graves pour le bien-être des gens et pour la société en tant que tout. C’est la raison pour laquelle la critique sur laquelle ouvre le biohacking, à savoir la critique artiste commence par une critique de l’État-providence et sa tendance à médicaliser les problèmes sociaux.
Ainsi, le biohacking que je cherche à mettre en place vise à contrer les effets néfastes des médicaments en misant non pas sur la médecine réparatrice mais sur la médecine préventive ou la biologie participative. En effet, le renforcement recherché se fonde ici sur une tout autre approche de la santé. C’est que la santé, selon nous, en nous appuyant sur la thèse développée par Nassim Taleb dans Antifragile (2012), résulte d’un renforcement systémique que suscitent des facteurs de stress. D’où l’intérêt du commissaire d’action en tant qu’anomalie ou « cygne noir » (black swan). Car le commissaire d’action en tant que tel agit comme une soupape de sécurité (buffer) et permet une plus grande souplesse; car, en tant que cygne, il dérange tout en renforçant. Il devient ainsi une pièce maîtresse du système, puisqu’il lui permet de survivre à des situations imprévisibles.
De ce fait, le commissaire d’action n’est possible que parce qu’il transgresse le cadre normatif de l’État-providence tout en agissant dans le strict respect de la démocratie et des droits de l’homme. C’est pourquoi la liberté scientifique, selon lui, ne peut être limitée de manière arbitraire par des comités nationaux d’éthique, puisqu’il faut tenir compte de l’impact systémique global de toute démarche entreprise dans le cadre scientifique. Par exemple, si un pays s’interdit d’aller dans un sens, rien ne dit que d’autres ne se l’autoriseront pas, gagnant de ce fait un avantage stratégique. Et, bien que les questions de bioéthique soient complexes et posent des défis pour les réglementations nationales et internationales, le respect de la liberté scientifique est essentiel. D’où l’importance de prendre en compte les implications éthiques et sociales des avancées scientifiques et technologiques. Pour ce faire, l’implication du commissaire d’action est centrale à un débat ouvert et transparent sur ces questions, en impliquant toutes les parties prenantes, afin de trouver un équilibre entre la liberté scientifique et la protection des droits et de la dignité des individus.
Le point d’achoppement principal de cette vision du monde est que les États-nations n’adhèrent pas tous aux droits de l’homme pour la raison que ces droits reposeraient sur une conception statique de l’homme et qu’ils ne tiennent compte des développements technologiques issus de la Révolution numérique. Il est donc important pour le commissaire d’action de poursuivre un dialogue ouvert et transparent entre les États-nations et les acteurs de la société civile pour parvenir à un consensus sur la manière de protéger les droits de l’homme tout en favorisant l’innovation et le développement technologique. C’est pourquoi il est temps de se pencher plus spécifiquement sur
Le commissaire d’action
C’est que le commissaire d’action en tant que tel se doit de questionner à fond la validité des droits de l’homme dans le contexte politique et technologique actuel. En effet, avec les droits de l’homme, nous avons affaire à une conception statique, essentialiste et idéaliste de l’homme, tandis qu’avec la liberté scientifique, nous avons affaire à une conception dynamique, immanente et empirique. Or, en tant que commissaire d’action, j’adhère à la fois à la conception du sujet de Carl Schmitt et de Gilles Deleuze chez qui le sujet est conçu comme une « pure intensité ». Schmitt, plus précisément, pense que le politique repose sur la distinction entre l’ami et l’ennemi. Deleuze, par contre, pense avec Guattari que l’art est résistance, c’est-à-dire que l’art en tant qu’art échappe sans cesse à toute tentative de capture, que dans la fuite, l’insaisissabilité, se trouve son essence. Ainsi, à l’encontre de la normativité des droits de l’homme, Carl Schmitt et Gilles Deleuze pensent le sujet dans un champ de forces. De ce fait, le sujet n’est plus une entité mais une intensité. D’où le corps comme champ de forces.
Mais il convient de souligner que, si Schmitt se positionne du côté du souverain (le corps du roi), Deleuze, lui, se positionne du côté du minoritaire (le corps sans organes). Et le minoritaire et le souverain ici sont complémentaires, puisque l’un et l’autre repose sur la tension fondamentale qui les relie l’un à l’autre. En d’autres termes, cette tension explique le rapport dialectique entre la monnaie fiduciaire et la monnaie digitale, les droits de l’homme et la liberté scientifique, la conception statique de l’homme et sa conception dynamique. Donc, dans le cadre de cette dialectique, il convient de souligner qu’à l’instar de la logique de Hegel, la création d’un État mondial sur lequel débouche nécessairement ce type d’homéostasie dépendra du pays qui incarne la Science.[2]
D’où le concept de « grande santé » (Nietzsche), car nous devons opérer, à travers le basculement de l’État-providence vers une biopolitique, à un renversement de toutes les valeurs. De l’éthique du travail, nous passerions à une éthique du care. Et ce basculement est d’autant plus nécessaire, après la crise du COVID-19, qu’il marque un changement dans la conception de l’homme. D’un côté, nous aurions une conception naturelle de l’homme et, de l’autre, une conception augmentée. Car le « vaccin » a posé la question du génie génétique et de l’eugénisme positif.
S’il est vrai que certaines personnes vaccinées contre le COVID-19 ont montré une réponse immunitaire particulièrement forte, parfois même supérieure à celle des personnes ayant contracté la maladie naturellement, la réponse immunitaire est un processus complexe et multifactoriel qui dépend de nombreux facteurs, notamment l’âge, le sexe, l’état de santé général, les antécédents médicaux, le type de vaccin et le schéma de vaccination. Cela montre cependant que certaines personnes sont déjà mieux préparées aux prochaines pandémies grâce à un système immunitaire plus élevé et certainement grâce à une meilleure hygiène de vie.
En effet, une alimentation équilibrée, l’exercice physique régulier, la réduction du stress et le sommeil de qualité peuvent renforcer le système immunitaire et aider à combattre les infections. C’est pourquoi il est important de promouvoir un mode de vie sain pour prévenir les maladies infectieuses. D’où mon protocole de biohacking.
Justement, ce dernier, qui vise à améliorer les conditions de vie et de santé des individus à travers des pratiques telles que le sport, la nutrition, la méditation et la socialisation, peut être considéré comme une réponse à l’Etat-providence. C’est que mon approche consiste à encourager les individus à prendre en charge leur propre santé, plutôt que de dépendre d’un système de santé centré sur la maladie. Mon approche s’inscrit donc dans une perspective plus large de prévention et de promotion de la santé.
Mais, en tant que commissaire d’action, il va sans dire que j’ai été confronté à la résistance des travailleurs et, plus particulièrement, des fonctionnaires. Car mon approche fondée sur la prévention va à l’encontre de l’approche répressive-thérapeutique de l’État social. Or, la première chose qu’il s’agit de souligner est que la biopolitique néolibérale conserve les acquis sociaux en transformant les assurances sociales actuelles en revenu universel, ce que Milton Friedman a théorisé dans Capitalism and Freedom (1962) sous le concept de negative income tax[3]. Ensuite, le financement de ce revenu universel sera assuré par la monnaie digitale des banques centrales, puisque les difficultés du système monétaire actuel, basé sur le dollar comme monnaie de réserve, annonce un Bretton Woods III (Zoltan Pozsar), c’est-à-dire l’avènement des Central bank digital currencies (CBDC). Finalement, l’économie du savoir tend à se confondre avec l’économie des plateformes d’IA, qui, certainement, auront un rôle central à jouer dans le cadre du nouveau système monétaire, notamment en matière de la sécurité des données et de la défense des droits individuels. On pourrait également imaginer un système de bonus et de malus centré sur l’optimisation de la santé des citoyens où les bonus seraient convertibles en CBDC et les malus en bons pour des programmes de prévention fournis par différents prestataires, comme des indépendants, des entreprises, des associations et des fondations. Mais, pour que cette conception de la biopolitique soit possible, le commissaire d’action a pour mission d’initier la population aux nouvelles technologies et l’amener à considérer
Le Corps comme champ de forces
En effet, face à une conception idéaliste de l’être humain, je cherche en tant que commissaire d’action à promouvoir une conception empirique en m’appuyant sur la thèse développée par Brian Massumi dans Ontopower (2015). Ce livre explore comment la guerre a changé depuis le 11 septembre 2001 en utilisant des concepts de la philosophie et de la théorie politique. Massumi examine, plus particulièrement, comment les tactiques militaires contemporaines sont axées sur la perception et la domination de la psyché, plutôt que sur la destruction physique des ennemis. Le livre explore également les implications de ces tactiques pour la vie civile et les droits individuels, notamment la vie privée.
En effet, selon lui, la perception est devenue un enjeu majeur de la guerre et de la gouvernance. De ce fait, il explore comment le pouvoir se manifeste à travers la perception, la surveillance et la capture de données et d’informations, ainsi que la façon dont cela affecte les individus et la société.
Mais surtout il met l’accent sur la proprioception, qui est la capacité d’une personne à percevoir la position, le mouvement et l’orientation de son propre corps dans l’espace. Cette perception est assurée par des capteurs situés dans les muscles, les tendons et les articulations, qui envoient des informations au cerveau pour permettre la coordination des mouvements. Ce concept est d’autant plus important qu’il peut être utilisé comme un moyen de contrôle social, en modifiant la perception que les individus ont de leur propre corps et de leur environnement.
C’est ainsi qu’en développant mon protocole de biohacking, j’utilise des techniques de soi visant à améliorer la perception de mon corps, ce qui accroît ma conscience corporelle et aiguise la perception de mon environnement. Par là, cela m’aide à mieux résister aux formes de contrôle social, qui, à travers le pouvoir psychiatrique, revendiquent un monopole de la réalité. De ce fait, je comprends mieux ce qui chez moi résiste à cette prétention, à savoir un regard pluriel sur les choses. D’où la médiation culturelle, qui, à travers les autres, permet de saisir la manière dont la réalité peut être remise en question.
D’ailleurs, les techniques décrites par Massumi trouvent un écho particulier dans les stratégies de storytelling explorées par Christian Salmon dans Storytelling: La machine à fabriquer des histoires et à formater les esprits (2007).
Salmon, en effet, montre comment les récits et les histoires sont utilisés pour façonner les opinions et les perceptions des individus, par exemple, dans le cas de soldats de l'armée et des jeux vidéo. Les jeux vidéo, en particulier ceux qui simulent des situations de combat réelles, peuvent servir à conditionner les soldats à adopter certaines attitudes et réactions face à des situations stressantes ou dangereuses, influençant ainsi leur perception de la réalité.
Ces exemples illustrent comment la perception peut être influencée par des forces extérieures, telles que les récits, ainsi que les avancées technologiques et scientifiques. En développant un protocole de biohacking qui améliore la proprioception, il est possible de résister à ces formes de contrôle social et de manipulations. En renforçant notre conscience corporelle et notre capacité à percevoir notre environnement, nous pouvons ainsi mieux comprendre et résister aux forces qui cherchent à nous influencer et à nous contrôler, révélant notre potentiel en tant qu'agents.
Paradoxalement, cette ressaisie de soi, qui passe par la perception du corps, est rendue plus accessible à travers les moyens par lesquels les autorités cherchent à manipuler notre perception, à savoir les objets connectés et le cyberespace. En effet, il faut dire que la gamification de la réalité rend la frontière entre la fiction et la réalité plus floue et le rôle prépondérant du cyberespace n’arrange pas les choses dans le sens où la fusion entre le réel et le virtuel rend l’hypothèse de la simulation plus pertinente. Cette hypothèse, qui a été formulée par Nick Bostrom, suggère que nous pourrions vivre dans une simulation informatique créée par une civilisation technologiquement avancée.
Selon Bostrom, il y aurait trois scénarios possibles : 1) les civilisations s’éteignent généralement avant d’atteindre un niveau technologique capable de créer des simulations de réalité ; 2) si ces civilisations atteignent ce niveau, elles n’ont aucun intérêt à simuler des êtres conscients ; 3) nous vivons presque certainement dans une simulation.
Or, si les scénarios 1 et 2 sont faux, cela implique que la plupart des êtres conscients tels que nous le sommes vivent dans une simulation plutôt que dans la réalité de base. Ainsi, cette fusion entre le réel et le virtuel rend probable à 33,33% l’idée que nous serions dans un « jeu vidéo ».
Cette prise de conscience donne ainsi la possibilité aux individus de se réapproprier leur histoire à travers leur identité numérique. En effet, l’hypothèse de la simulation démontre par l’absurde l’aliénation dans laquelle l’être humain se trouve à vouloir se doper pour mieux performer dans un monde numérique qui serait la caricature du monde dans lequel nous vivons. Par conséquent, la psychiatrie participerait de cette réduction de la réalité et souscrirait, en quelque sorte, aux efforts de l’armée américaine à recruter des joueurs de jeu vidéo, comme mentionné par Christian Salmon. C’est que les war games et les simulations de guerre impliquant l’IA participent de la gamification de la réalité, alors qu’ils sont supposés améliorer la formation et la prise de décision militaires. Dès lors, la conscience que le corps lui-même est devenu un champ de forces où se joue une guerre de la perception participe paradoxalement de la ressaisie du corps. D’où la critique artiste.
Ainsi, la psychiatrie, en cherchant à guérir, aurait des effets négatifs sur la santé mentale des individus en les privant de leur singularité. De ce fait, la conception deleuzienne de la schizophrénie, en tant que processus créatif, constituerait une alternative intéressante à la psychiatrie générale. Car elle reconnaît la valeur de l’expérience subjective et invite à une exploration de la créativité et de la différence. En ce sens, le protocole de biohacking que je développe peut être vu comme une tentative de réappropriation de la perception de soi, dans une société où la norme et la normalisation sont omniprésentes. C’est ainsi qu’en considérant le corps comme un champ de forces, nous pouvons voir comment notre perception est façonnée par des éléments extérieurs qui remettent en question notre conception linéaire de l’espace. D’où l’importance des boucles de rétroactions. C’est que les réseaux sociaux et les jeux vidéo peuvent y jouer un rôle fondamental, en permettant aux individus de s’engager dans des expériences immersives et de construire des communautés virtuelles, en dehors du champ institutionnel.
Cela est particulièrement vrai pour les jeux vidéo qui offrent une expérience virtuelle où les joueurs peuvent interagir les uns avec les autres dans un espace urbain virtuel de manière nouvelle et créatrice (MMO-RPG). Ils peuvent aussi servir de lignes de fuite pour les individus qui cherchent à échapper aux normes sociales rigides imposées par les institutions. De cette manière, ils jouent un rôle dans la création de nouveaux espaces urbains et dans la redéfinition de la ville en tant qu’espace d’exploration symbolique. Cependant, il convient de noter que ces technologies comportent des limites dans le sens où elles peuvent renforcer des divisions sociales et contribuer à une gamification qui réduit la complexité de l’expérience humaine.
Ainsi, dans la continuité de notre réflexion sur la perception, nous voyons à présent comment les expériences virtuelles affectent la manière dont nous percevons notre corps et notre environnement. D’où
La Ville comme champ de forces
Explorer cette dernière comme telle conduit à considérer l’individu à partir de son action. En effet, en partant du regard des habitants, nous sommes confrontés à un point de vue différent des planificateurs. Cette différence liée à une approche bottom-up est connue sous le concept de mutabilité urbaine. La mutabilité est un concept qui se réfère à la capacité des villes et des environnements urbains à s’adapter, à évoluer et à se transformer au fil du temps. Ce concept met l’accent sur l’importance de la flexibilité, de la résilience et de la durabilité, voire de l’anti-fragilité, dans la planification et la gestion urbaine. Comme le relève Colin McFarlane dans Fragments of the City (2021), la figure du dandy ou du flâneur solitaire auquel le chercheur se rapproche à travers le city walking est un observateur passif, un esthète, qui se promène dans les rues et les espaces publics pour observer la vie urbaine et les changements qui s’y produisent. Ainsi, le dandy et le flâneur peuvent être considérés comme des symboles de la vie urbaine et de la culture. Leurs observations et leurs expériences peuvent révéler des aspects importants de la manière dont les villes changent et évoluent. Cependant, la mutabilité est un concept plus large qui englobe non seulement les expériences individuelles, mais aussi les processus économiques, sociaux, politiques et environnementaux qui façonnent les villes. C’est pourquoi le travail théorique du commissaire d’action fait du flâneur qu’il est un observateur actif dans le sens où sa théorie politique en se formulant exerce une action.
En effet, le commissaire d’action est conscient que la Ville en tant que champ de forces est un espace où les insiders et les outsiders se confrontent, qu’il y a de ce fait au sein de la Ville des lignes de fuites. Il est aussi conscient que les planificateurs et les spéculateurs suivent de près la dynamique urbaine afin de créer de nouvelles valeurs, puisque les biens immobiliers constituent des valeurs refuges. D’où l’intérêt du commissaire d’action pour le phénomène de gentrification, que sous-tend la logique symbolique. C’est la raison pour laquelle l’économie des biens immatériels joue un rôle crucial dans la revalorisation des biens immobiliers, puisque le capital culturel des habitants d’un quartier, surtout si ces gens-là appartiennent à la freischwebende Intelligenz (Karl Mannheim), permet une financiarisation de l’espace urbain en fonction du capital culturel présent.
Ce phénomène de gentrification va de pair avec le phénomène inverse, puisque les pauvres, ne pouvant répondre aux augmentations de loyer, sont obligés de quitter leur domicile pour s’établir ailleurs. D’où le problème de la mobilité de la pauvreté et des problèmes associés, c’est-à-dire la maladie, la délinquance, la criminalité, la violence, etc. Or, tant que l’écart entre les riches et les pauvres est encore « tolérable », la « cohésion sociale », à travers les aides, garantit encore la sécurité de la population. Mais, dès que la cohésion se perd, la sécurité est engagée, raison pour laquelle le concept d’« urbain djihadogène » de Farhad Khosrokhavar est intéressant.
En effet, ce concept fait référence à la radicalisation islamiste qui se produit dans les quartiers marginalisés des villes européennes. C’est, dans Le nouveau jihad en Occident (2018), que l’auteur identifie plusieurs facteurs de risque qui contribuent à la formation de ces « foyers de radicalisation », tels que la pauvreté, l’exclusion sociale, le chômage, la discrimination, le manque de perspectives et le sentiment d’injustice. En d’autres termes, l’exclusion socio-économique et politique serait la cause de la radicalisation. D’où la figure du terroriste comme ennemi absolu.
Or, face à cette menace diffuse, les États-Unis se sont peu à peu tournés depuis 2018 contre la Chine. Car la guerre classique est plus facilement représentable pour les citoyens ordinaires et la peur qu’elle suscite est plus facilement capitalisable pour les politiciens. De ce fait, la Chine est devenue pour les États-Unis un ennemi plus simple à représenter. Ainsi, la désignation de ce nouvel ennemi a permis aux États-Unis de mieux cacher les problèmes structurels et idéologiques qu’a provoqué la guerre contre le terrorisme et d’ouvrir un nouveau chapitre de la politique des grandes puissances (Great Power Politics). Il faut dire cependant que ce « pivot vers l’Asie » (Pivot to Asia), comme l’a appelé Barack Obama, n’était pas sans poser le problème de la « zone neutre », qui reconduit subtilement la lutte contre le terrorisme.
En effet, la peur de l’Occident étant clairement identifiée, la projection phantasmatique conduit l’Occident à se saboter. C’est que l’Occident en souhaitant se protéger contre toute infiltration entre dans une logique narcissique où son identité politique le conduit à s’auto-détruire, ce qui explique ses hallucinations autour de chercheurs d’origine chinoise, supposés mener des activités d’espionnage. Cela, bien entendu, n’est pas sans trahir un désir du Même, que l’Occident voit dans tout régime autoritaire et qui trahit un développement vers la gouvernementalité. D’ailleurs, le Mal que l’Occident perçoit à travers le Parti communiste chinois (PCC) n’est-il pas le reflet de la Théorie de l’exécutif unitaire (the unitary executive theory) ?
C’est justement en abordant la problématique de la gouvernementalité que le commissaire d’action parvient à aligner
Le sens de la Vie et le sens de la Ville
En effet, l’idée de m’impliquer en tant que commissaire d’action pour permettre un débat ouvert et transparent sur les implications éthiques et sociales des avancées scientifiques et technologiques me paraît important dans le sens où le basculement vers une biopolitique néolibérale nécessite de tenir compte de la dignité des individus et de leurs droits tout en reconnaissant l’importance de la liberté scientifique.
Le commissaire d’action pourrait ainsi jouer un rôle important pour faciliter la discussion entre les différents acteurs concernés. Le commissaire d’action pourrait également aider à élaborer des politiques et des réglementations qui prennent en compte les implications éthiques et sociales des avancées scientifiques, tout en garantissant la protection des droits et de la dignité des individus.
Toutefois, par expérience, je sais que la mise en place d’un tel mandat pourrait poser des défis en termes de financement, de gouvernance et de légitimité. D’où l’idée d’une exclusion stratégique qui garantirait l’indépendance du commissaire d’action par rapport aux intérêts politiques ou économiques, ainsi qu’une prise de décision équitable et transparente. Autrement dit, l’exclusion consisterait à donner au commissaire d’action la capacité d’agir de manière indépendante et de travailler en toute transparence. Elle permettrait, de plus, de renforcer la critique sociale et la critique du pouvoir, en évitant les conflits d’intérêts avec l’économique et le politique.
Ainsi, en s’excluant de l’État-providence, le commissaire d’action en vient à la fois à gagner une distance critique vis-à-vis du système et à devenir un entrepreneur de soi dans le sens où il se promeut à travers le personal branding. Sa stratégie, dès lors, dans la perspective de Pierre Bourdieu, de Gary Becker, ou encore de Roland Barthes, est d’articuler ses différents capitaux, afin qu’ils se renforcent mutuellement. D’où mon intérêt pour le concept de « monnaie vivante » de Pierre Klossowski.
Pierre Klossowski, en effet, a développé ce concept dans un essai éponyme, publié pour la première fois en 1970. Le concept de « monnaie vivante » fait référence à l’idée que les individus eux-mêmes peuvent être considérés comme des monnaies, en particulier dans le contexte de l’économie capitaliste moderne. Klossowski réfléchit sur les relations entre le désir, le pouvoir, la sexualité et l’économie. Il soutient que les êtres humains sont réduits à une forme de marchandise[4], en étant échangés et évalués en fonction de leur valeur marchande. La « monnaie vivante » représente donc la manière dont les individus sont transformés en objets de consommation et de désir dans une économie capitaliste. Cependant, cette critique de la réification m’a conduit à réfléchir sur la manière dont les individus peuvent se réapproprier le corps. D’où la critique artiste, qui conduit à réfléchir sur la manière dont les individus produisent de la valeur. C’est ainsi que cette réflexion m’a fait prendre conscience du rôle central de l’effigie et de l’icône.
En effet, on peut y voir un lien étroit avec la notion de personal branding. Dans cette perspective, les individus cherchent à créer une image de marque, en utilisant leur personnalité, leurs compétences et leurs talents pour construire une réputation positive et une identité professionnelle forte.
De manière similaire, les icônes et les effigies peuvent être utilisées dans le cadre de la construction d’une image de marque. Ces images symboliques peuvent aider à renforcer la reconnaissance, à communiquer des valeurs et des idéaux spécifiques et à influencer les perceptions des gens. Or, dans le cadre du personal branding, les individus peuvent utiliser leur propre image pour construire une marque forte et cohérente. Cela peut impliquer la création d’une image visuelle distincte, l’utilisation des réseaux sociaux pour communiquer avec les autres et la création de contenus qui mettent en valeur leurs compétences et leurs réalisations. Dans cette perspective, il n’est pas faux de parler de logique symbolique, puisqu’elle consiste en l’utilisation de symboles, d’images et de représentations pour communiquer des messages et des idées. Par exemple, dans le cadre du personal branding, les individus utilisent souvent des symboles et des images pour communiquer leur identité et leur message à leur public cible. Ils peuvent créer un logo ou une image visuelle distincte, choisir des couleurs ou des polices spécifiques pour leur marque, ou utiliser des images et des symboles pour représenter leur message. Ainsi, la logique symbolique peut aider à renforcer la reconnaissance, à améliorer l’engagement du public et à renforcer la réputation de l’individu ou de l’entreprise.
De plus, il est possible d’établir un lien entre les icônes, les effigies, la logique symbolique et la psychologie analytique. La psychologie analytique de Carl Gustav Jung met en avant l’importance des symboles et des images dans la compréhension de l’inconscient et dans la construction de l’identité personnelle. En effet, selon Jung, les symboles et les images ont une signification profonde qui peut révéler des aspects cachés de l’inconscient et des aspects de la personnalité. Les symboles sont considérés comme des expressions de l’inconscient collectif, qui est un réservoir de symboles et d’images partagés par tous les êtres humains. Ainsi, en utilisant ces symboles et ces images de manière imaginative et efficace, les individus peuvent communiquer leur identité et leur message de manière claire et cohérente, tout en révélant des aspects cachés de leur personnalité et de leur inconscient. C’est pourquoi l’imagination peut aider les individus à mieux comprendre leur propre identité et leur propre chemin de développement personnel. D’où l’importance pour moi du palais de la mémoire.
En effet, le palais de la mémoire est une technique de mémorisation ancienne qui consiste à associer des images mentales à des informations à mémoriser. Cette technique repose sur la création d’un espace imaginaire, tel qu’un palais, dans lequel on place des images mentales qui représentent les informations à mémoriser. En associant des images à des informations, on crée des liens mnémoniques qui facilitent la mémorisation. De même, la manipulation symbolique fait appel à l’imagination et à l’association d’idées pour communiquer des messages et des idées de manière efficace. On peut de la sorte créer des associations d’idées qui renforcent la mémorisation et la compréhension. C’est ainsi que les symboles et les images aident à représenter des concepts abstraits de manière concrète, ce qui facilite la mémorisation et la compréhension.
C’est donc en suivant la trame inconsciente de notre histoire personnelle que l’on parvient peu à peu à comprendre le rôle que l’on s’est donné inconsciemment. D’où
L’éthique de la discussion chez le commissaire d’action
C’est que le commissaire d’action, avant de le devenir, a dû comprendre en quoi consistait sa mission. Cette prise de conscience a été parsemée d’embûches, mais elle participait d’un chemin de vie qui lui a permis de réaliser que la vie est intensité.
En effet, l’État-providence l’a confronté à la critique du système, ce qui l’a confronté à ses failles. C’est ainsi qu’en misant sur la « détresse institutionnelle » plutôt que sur la « détresse spirituelle » pour décrire les difficultés que rencontrent les citoyens dans la vie de tous les jours, je cherche à montrer que le problème de la violence politique à laquelle nous assistons sous différentes formes est lié à une crise de l’État-providence, où finalement la confiance des citoyens dans la monnaie fiduciaire est en jeu.
Il s’agit donc, principalement, d’un changement du système monétaire. C’est que nous assistons, en réalité, au basculement du système monétaire mondial vers un nouveau système, baptisé « Bretton Woods III », comme l’a très bien décrit Zoltan Pozsar[5]. Dès lors, en reliant le problème de la radicalisation à la crise monétaire, nous retrouvons l’État en tant que système de croyance, puisque battre monnaie constitue la prérogative de l’État et que sa valeur repose sur la confiance des citoyens dans le fait que les biens échangés grâce à la devise nationale s’en trouvent assurés par le droit. Mais, aussitôt que la confiance est rompue, à travers la dissidence théologico-politique, les mesures de l’État pour assurer la sécurité des institutions sont perçues comme participant de la violence symbolique.
En effet, la crise monétaire liée à l’économie de la dette s’aggrave d’autant plus que l’État recourt à ce que Max Weber appelle la « violence légale », puisque les institutions disciplinaires font face à des restrictions budgétaires qui rendent non seulement ce type de réhabilitation impossible mais qui, pire encore, radicalisent les individus qui leur sont confiés. D’où l’importance qu’a pris l’accompagnement social en milieu ouvert, bien que ce type d’accompagnement nécessite d’être repensé pour gagner en efficacité, raison pour laquelle le commissaire d’action, face à l’approche centrée sur la personne, cherche à se positionner comme « trou structurel » (structural hole).
Ce concept a été développé par le sociologue Ronald Burt dans le cadre de ses recherches sur les réseaux sociaux et la théorie des réseaux. Un trou structurel se réfère à une absence de liens entre deux groupes ou individus au sein d’un réseau social. Cette absence de liens crée une opportunité pour les individus qui occupent la position de « pont » entre les groupes, leur permettant de jouer un rôle de courtier en informations.
Selon Burt, les individus qui occupent ces positions stratégiques de courtage ont accès à des informations diversifiées et non redondantes, ce qui leur donne un avantage concurrentiel en termes d’innovation, de créativité et de prise de décision. De plus, ces individus peuvent également tirer profit des asymétries d’information entre les groupes, en négociant et en contrôlant les flux d’information et de ressources.
En fonction de cette position nodale au sein des réseaux, mon exclusion m’a permis d’aborder l’accompagnement à l’aide de la recherche-action. Cela m’a fait prendre conscience d’une revalorisation nécessaire du capital corporel et à la manière de le valoriser à travers la Ville. C’est ainsi que j’ai vu en cette dernière un moyen d’appliquer concrètement mon capital culturel tout en accroissant mon réseau, ce qui, en retour, a accru la pertinence de ma construction théorique.
En effet, l’exclusion m’a fait prendre conscience de la dynamique globale du marché du travail en Occident. J’ai constaté que, face au basculement de la société occidentale vers une économie du savoir, les secteurs de la finance et du care sont les secteurs en développement et que les individus qui ne parviennent à se rapprocher du cœur de la finance se trouvent recyclés à travers les mesures d’emploi dans l’accompagnement. Or, l’intéressant, c’est que l’externalisation du social par le politique aux associations et aux fondations, qui luttent entre elles pour l’obtention des subventions de l’État, génère une concurrence capitaliste dans le milieu social.
Par conséquent, le commissaire d’action possède un rôle unique, puisque, procédant à une construction théorique, son travail dans le milieu social crée une aura autour de sa personne, ce qui accélère la transition de l’État-providence vers une biopolitique néolibérale en polarisant la société entre insiders et outsiders et en le constituant comme personne-ressource auprès de ces derniers. Autrement dit, en nous référant à la théorie de la circulation des élites, le commissaire d’action constitue un contre-pouvoir. Car, en mettant en évidence la dynamique que sous-tend la logique capitaliste de l’accompagnement, il souligne l’aporie d’une démarche qui repose sur l’éthique du travail. De ce fait, il souligne également l’impasse à laquelle conduit la monnaie fiduciaire, notamment en lien avec les problèmes de liquidités de l’État sur lequel reposent les associations et les fondations.
Plus précisément, le travail théorique lui a permis de mettre en place un protocole de biohacking. Ce protocole lui a permis de se rendre compte des problèmes de l’État-providence, notamment du monopole de l’autorité médicale sur les pouvoirs publics. D’où la critique artiste, qui favorise l’expression de soi. De plus, le monopole étatique sur la drogue légale produit une criminalité consubstantielle, ce qui rend illusoire la lutte contre le trafic de drogue, d’autant plus que le lobby pharmaceutique se contente de l’assurance-maladie actuelle, dont les citoyens seuls supportent les coûts. Or, si les médicaments, dans le cas des troubles psychiques, peuvent agir comme des camisoles chimiques, diminuant la capacité critique des individus, ils constituent également un moyen de critiquer l’État.
C’est pourquoi le commissaire d’action présente la médiation culturelle comme une solution pour aider les individus à se réconcilier avec eux-mêmes, à renforcer leurs liens sociaux et à promouvoir une compréhension mutuelle entre les cultures. Mais cette réappropriation n’est possible qu’à travers une nouvelle perception du corps. En effet, le commissaire d’action en tant que « médecin de la civilisation » (Nietzsche) remet en question la distinction entre le normal et le pathologique, le valide et l’invalide, en proposant une réactualisation du concept nietzschéen de « grande santé ». Ainsi, en aidant les individus à résister à la violence institutionnelle, ce protocole consiste en des activités telles que le sport, la nutrition, la méditation, la socialisation, la lecture et l’écriture.
Afin d’optimiser ce protocole, je propose également un monitoring technologique pour suivre les comportements de santé et de bien-être, ainsi que pour recueillir des données sur les habitudes de consommation, puisque la sécurité des données et des droits individuels est reconduite à travers les plateformes. D’où l’importance des intelligences artificielles dans la biopolitique. Mais, pour qu’elles puissent y participer à plein, le commissaire d’action doit convaincre la population au sujet de la sécurité de leurs données et ainsi mettre l’accent sur
L’agir communicationnel
Il est cependant important de souligner ici que ma définition du commissaire d’action est différente de celle de Carl Schmitt pour qui le commissaire d’action est une personne ou une institution qui est nommée pour agir en dehors des lois existantes dans des situations d’urgence ou d’exception.
Pour le dire autrement, le commissaire d’action chez Carl Schmitt est chargé de prendre des mesures exceptionnelles pour protéger la sécurité de l’État ou de la société, même si cela implique de violer les normes juridiques ou éthiques existantes.
Pour ma part, je propose une vision différente du commissaire d’action, puisque le commissaire d’action selon moi est impliqué pour permettre un débat ouvert et transparent sur les implications éthiques et sociales des avancées scientifiques et technologiques, en motivant toutes les parties prenantes pour trouver un équilibre.
Ainsi, de mon point de vue, le commissaire d’action est un facilitateur. C’est que le choix du titre souligne l’importance de l’action et de la prise de décision dans les discussions sur les implications éthiques et sociales des avancées scientifiques et technologiques. Le terme de commissaire peut évoquer une personne ou une institution responsable de l’action et de la prise de décision.
Par exemple, le commissaire d'action, en tant que facilitateur, aborderait des problématiques telles que la gentrification, la ghettoïsation et la radicalisation en initiant des discussions entre différentes parties prenantes, telles que les résidents des quartiers touchés, les décideurs politiques, les chercheurs, les urbanistes et les représentants des secteurs public et privé. En rassemblant ces divers acteurs, il favoriserait un échange d'idées et de perspectives pour développer des solutions éthiques et socialement responsables.
Guidé par des valeurs et des principes éthiques tels que la justice sociale, l'équité, la solidarité et la durabilité, il assurerait une approche plus holistique et inclusive de la planification et de la gestion urbaine. En tant que facilitateur, il jouerait un rôle clef dans la promotion de la coopération et de la compréhension mutuelle entre les différentes parties prenantes, contribuant ainsi à la construction d'un consensus et à la prise de décisions éclairées sur les questions complexes liées à la transformation des espaces urbains.
En somme, en mettant l’accent sur l’éthique de la discussion et le rôle du commissaire d’action en tant que facilitateur, cette partie offre un développement logique et cohérent des problématiques soulevées précédemment. C’est qu’en engageant les acteurs concernés dans des débats ouverts et transparents, le commissaire d’action permettrait de traiter efficacement des enjeux complexes liés à la Ville comme champ de forces et d’œuvrer pour un avenir urbain plus équitable, inclusif et durable pour tous les citoyens.
Il convient encore de souligner que le commissaire d’action tel que je l’entends s’est auto-constitué en prenant l’initiative de se présenter comme tel devant la population. En effet, la population est centrale dans sa démarche dans le sens où elle participe de l’effet de concaténation entre ses recherches sur la radicalisation et son action sociale. D’où le mandat impératif que lui procure cette visibilité. De ce fait, grâce à elle, il peut entreprendre tout ce qui est possible pour remplir sa mission quand bien même il doit contourner la loi. Autrement dit, le mandat impératif qu’il se procure à l’aide de la publicité lui permet de contourner la loi pour remplir sa mission si nécessaire.
Cependant, il est important de souligner que contourner la loi pour remplir une mission pose des questions éthiques et légales complexes. Les autorités pourraient considérer que les actions du commissaire d’action sont illégales et le poursuivre en justice. De plus, ses activités pourraient être contestées par les citoyens, qui peuvent considérer que les mesures prises pour remplir sa mission sont injustes ou contraires à leurs droits et libertés, raison pour laquelle le commissaire doit être conscient des risques juridiques et éthiques associés à ses actions et agir de manière responsable et transparente pour éviter tout préjudice aux individus concernés. De ce fait, on peut dire qu’il s’appuie sur le pouvoir constituant. Ainsi, si le commissaire d’action s’appuie sur le pouvoir constituant pour justifier ses actions, en travaillant directement avec la population et en communiquant clairement sur ses recherches, cela peut être considéré comme une démarche démocratique et participative.
En effet, le pouvoir constituant appartient au peuple et, dans certains contextes, il peut être nécessaire de travailler directement avec la population pour comprendre les problèmes auxquels elle est confrontée. Si le commissaire d’action est en mesure de communiquer clairement et d’impliquer la population dans sa mission, cela peut renforcer la légitimité et la pertinence de ses actions, qui illustreraient la distinction entre la lettre et l’esprit de la loi, la démocratie procédurale et la démocratie substantielle. D’où la distinction à opérer ici entre légalité et légitimité. La légalité fait référence au respect de la loi, qui est l’expression de la volonté générale. Elle est nécessaire pour garantir la stabilité et la sécurité de la société et pour protéger les droits fondamentaux des citoyens. En revanche, la légitimité fait référence à la reconnaissance et à l’acceptation de l’autorité de l’État ou de l’agent public, qui est considéré comme ayant le droit et le devoir d’agir dans l’intérêt de la société.
Dans certains cas, la légalité et la légitimité peuvent entrer en conflit. Par exemple, une loi peut être considérée comme légale mais peut ne pas être perçue comme légitime par une partie de la population. De même, une action peut être considérée comme légitime mais peut violer la loi. Il est donc important de faire la distinction entre légalité et légitimité et de chercher des solutions qui respectent à la fois la loi et les normes éthiques, tout en prenant en compte les besoins et les préoccupations de la population. Comme nous le voyons avec le commissaire d’action, cela peut nécessiter un dialogue et une collaboration étroite entre les différents acteurs de la société, afin de trouver un équilibre entre légalité et légitimité.
Plus particulièrement, la question de la légitimité du commissaire d’action auto-désigné et confirmé par le peuple est complexe et controversée. D’une part, le mandat impératif peut être considéré comme une expression de la souveraineté populaire et donc comme une source de légitimité. D’autre part, l’autodésignation du commissaire d’action et son action en dehors des cadres institutionnels peuvent être perçues comme une atteinte à l’État de droit et à la démocratie représentative d’autant plus que sa stratégie peut être difficile à contrer, puisqu’elle implique une approche bottom-up, c’est-à-dire qu’elle part des individus et de leurs besoins concrets plutôt que des institutions et de leurs politiques. Ainsi, en travaillant directement avec la population et en créant un réseau solide, le commissaire se trouve dans la position de constituer une force de résistance et de changement qui ne peut être ignorée ou contournée par les institutions. Cependant, son approche peut aussi susciter des réactions négatives de la part des pouvoirs en place, qui peuvent percevoir son action sociale comme une menace à leur autorité, raison pour laquelle son protocole de biohacking lui donne les moyens d’anticiper les risques et de les gérer.
Le mandat impératif, de plus, n’a pas de fondement juridique dans la plupart des régimes démocratiques modernes. Dans ces régimes, les représentants du peuple sont élus pour représenter les intérêts du peuple, mais ils sont également tenus de respecter la loi et les droits fondamentaux. C’est que le mandat impératif, qui permettrait aux représentants de suivre aveuglément les directives du peuple, peut conduire à des décisions contraires à l’intérêt général et aux droits des minorités.
En fin de compte, la question de la légitimité du commissaire d’action auto-désigné dépendra des circonstances particulières de la situation dans laquelle il agit, des objectifs qu’il poursuit et des moyens qu’il utilise pour y parvenir. Si son action sociale est conforme à la transparence démocratique et aux besoins de la population, et notamment des plus vulnérables, alors il peut être considéré comme légitime. En revanche, si son action sociale viole les normes démocratiques et les droits fondamentaux, en agissant de manière sournoise, alors il ne peut être considéré comme légitime, puisqu’il n’agirait pas conformément à la morale et aux bonnes mœurs et, de ce fait, il foulerait des pieds les droits et les valeurs des autres. Agir de manière sournoise est donc le contraire de l’agir éthique, car cela implique de la dissimulation, de l’hypocrisie et de la malveillance.
Par conséquent, le fait qu’une personne ou une autorité soit considérée comme légitime ne signifie pas qu’elle puisse violer la loi impunément. La légitimité d’une autorité repose sur la confiance et le soutien de la population, mais elle doit également respecter les normes juridiques et éthiques en vigueur.
En effet, dans une société démocratique, le respect de la loi est un élément fondamental de la stabilité et de la sécurité de la société, ainsi que de la protection des droits fondamentaux. Le non-respect de la loi peut entraîner des conséquences graves pour la société, comme des troubles à l’ordre public, des violations des droits fondamentaux ou encore de l’affaiblissement de l’État de droit.
Cela étant dit, il peut exister des situations exceptionnelles dans lesquelles le respect strict de la loi n’est pas suffisant pour faire face à des problèmes urgents et importants, comme les menaces pour la sécurité nationale, les catastrophes naturelles ou les situations de crise. Dans ces situations, les autorités peuvent être amenées à prendre des mesures exceptionnelles, qui peuvent impliquer une certaine violation de la loi, mais qui doivent être justifiées par l’urgence de la situation et être proportionnées aux objectifs poursuivis.
En fin de compte, le respect de la légalité et de la légitimité doit être assuré de manière équilibrée et dans le respect des valeurs démocratiques et des droits fondamentaux. D’où l’importance de
La préemption
Dans le contexte de la lutte contre le terrorisme, la préemption peut être utilisée pour désigner la stratégie de prévention des actes terroristes en anticipant et en identifiant les menaces potentielles avant qu’elles ne se concrétisent. Cette approche peut impliquer l’utilisation de méthodes de surveillance et de renseignement pour détecter les comportements suspects ou les signes précurseurs d’une attaque terroriste, ainsi que la mise en place de mesures préventives pour empêcher ces attaques de se produire. De plus, la préemption peut être liée à la proprioception dans la mesure où les deux stratégies visent à anticiper et à prévenir les problèmes avant qu’ils ne se produisent. Cependant, il est important de noter que la préemption soulève des questions complexes en matière de protection des droits individuels et de la vie privée et que son utilisation doit être encadrée par des garanties légales et des procédures adéquates pour prévenir les abus. Or, le biohacking peut servir de contre-poids, notamment à travers la présence à soi, c’est-à-dire l’attention à la réalité.
En effet, en me référant à Ontopower de Brian Massumi, j’ai cherché à démontrer que la lutte contre le terrorisme place l’homme dans une autre temporalité et que l’enjeu pour les autorités se situe au niveau d’une guerre psychologique qui les conduit à manipuler la perception des citoyens, d’où la centralité de la proprioception. Or, cette dernière conduit l’homme vers un autre rapport à soi, un rapport à soi dynamique et non pas statique. Par conséquent, le sujet n’est plus conçu comme une entité mais comme une intensité. Dans ce sens, le protocole de biohacking que j’ai mis en place participe d’un renforcement réflexif du sujet comme intensité.
Or, en abordant ici la préemption, je cherche à montrer que la lutte contre le terrorisme et la prévention de la radicalisation nous confrontent au fait qu’il n’existe pas de profil-type et que, par conséquent, le seul moyen d’aborder ce phénomène passe par l’accompagnement social. Or, l’accompagnement social en Suisse et dans le canton de Vaud a été externalisé. La raison de cette externalisation se comprend à travers la théorie des coûts de transaction de Ronald Coase. Bien que la théorie de ce dernier ne traite pas directement de cette question spécifique, elle fournit un cadre utile pour analyser les motivations potentielles derrière cette décision. Voici quelques-unes des raisons pour lesquelles les politiques peuvent avoir décidé d’externaliser le social aux associations et aux fondations : 1) la réduction des coûts ; 2) l’efficacité et l’expertise ; 3) l’innovation ; 4) la responsabilité et le contrôle ; 5) la participation citoyenne.
En effet, dans le contexte économique actuel, les associations et les fondations peuvent souvent fournir des services sociaux à un coût inférieur à celui des institutions gouvernementales, car elles sont généralement plus flexibles et moins bureaucratiques. Cela peut permettre aux gouvernements de réduire leurs dépenses publiques tout en assurant la prestation des services sociaux. Les associations et les fondations, en outre, se spécialisent souvent dans des domaines spécifiques du social et ont une connaissance approfondie des problèmes et des solutions possibles. Ainsi, en externalisant certains services sociaux à ces organisations, les politiques peuvent tirer parti de leur expertise pour offrir des services plus efficaces et adaptés aux besoins des bénéficiaires.
Aussi, ces associations et fondations peuvent s’avérer plus innovantes dans la résolution des problèmes sociaux, car elles sont généralement moins contraintes par les réglementations et les processus bureaucratiques. En externalisant de cette manière le social à ces organisations, les politiques peuvent encourager l’innovation et la mise en œuvre de nouvelles solutions. De plus, cette externalisation permet également aux politiques de partager la responsabilité de la prestation des services sociaux et de leurs résultats. Cela peut être attrayant pour les gouvernements qui souhaitent éviter la responsabilité directe des problèmes sociaux persistants. Finalement, les associations et les fondations sont souvent enracinées dans les communautés locales et impliquent directement les citoyens dans la conception et la mise en œuvre des programmes sociaux. De ce fait, en externalisant le social à ces organisations, les politiques peuvent favoriser une plus grande participation citoyenne et renforcer le lien entre les citoyens et les institutions publiques.
Cependant, externaliser la prise en charge de services sociaux liés à la sûreté de l’État, tels que la prévention de la radicalisation et le suivi des individus radicalisés, comportent plusieurs risques potentiels liés à la confidentialité et à la sécurité des informations, au contrôle et à la supervision, à la qualité et à l’efficacité des services, à la responsabilité et à la transparence, au risque d’opportunisme et de dépendance et, finalement, aux problèmes d’éthique et de valeurs. C’est que les associations et fondations qui gèrent ces services sociaux ont accès à des informations sensibles et confidentielles impliquant le risque que ces informations soient mal gérées, divulguées, voire piratées, ce qui pourrait compromettre la sécurité nationale et la vie privée des individus concernés. De plus, les politiques peuvent perdre le contrôle et la supervision des activités menées par des organisations externes, entraînant de ce fait des problèmes de coordination et d’alignement des objectifs, ainsi que des difficultés à assurer la conformité aux normes et aux réglementations gouvernementales. De même, ce type d’externalisation peut compliquer la question de la responsabilité et de la transparence, puisqu’il peut être difficile dans ce cas de savoir, pour les citoyens et les responsables politiques, qui est responsable des échecs ou des succès dans la prévention et le suivi, entraînant de ce fait une perte de confiance dans le système et dans les institutions. Aussi, ce type d’externalisation peut entraîner des risques d’opportunisme ou de dépendance. En effet, les organisations externes pourraient chercher à tirer profit de la situation, par exemple celle d’une position monopolistique, ce qui pourrait compromettre la qualité des services ou entraîner une dépendance excessive de l’État à l’égard de certaines organisations. Finalement, l’externalisation de services liés à la sûreté de l’État peut soulever des questions éthiques et de valeurs, notamment si les associations et les fondations adoptent des approches controversées ou discriminatoires dans leur travail, telles que l’exclusion d’approches concurrentes, ce qui peut causer des tensions et des divisions au sein de la société et nuire à la réputation et à la légitimité des politiques et des institutions. D’où la nécessité de
La critique artiste
Il convient, en effet, de souligner que le biohacking sert aussi de critique à l’égard de l’État-providence, qui opère une distinction entre le normal et le pathologique. En adoptant une approche réflexive et expérimentale de son propre corps, l’individu peut s’affranchir du cadre normatif de l’État-providence et explorer de nouvelles façons de se connecter à l’environnement. Dans ce sens, le biohacking peut être considéré comme une pratique de résistance et d’émancipation, qui permet à l’individu de prendre en main sa propre vie et de se libérer des contraintes de l’éthique du travail. D’où la critique artiste, qui implique la critique sociale et la critique du pouvoir.
En effet, le biohacking permet une meilleure conscience de soi et de son corps, ce qui peut favoriser l’expression artistique authentique en donnant la possibilité à l’individu de se connecter plus profondément à son propre vécu émotionnel. Cette capacité à exprimer sa propre expérience de manière authentique peut ensuite alimenter une critique artiste qui implique une critique sociale et politique plus large, en l’occurrence une critique de l’État-providence.
En partant donc d’une perspective structuraliste du Corps pour laquelle nous sommes redevables à Lacan, nous avons pu identifier les problèmes identitaires et sociaux qui sous-tendent les problèmes économiques et politiques, à savoir le rapport à l’objet. Cette analyse a conduit à une critique du système socio-économique de l’État-providence, fondé sur l’avoir, et à la recherche de solutions pratiques pour aider les individus à résoudre leurs problèmes de tous les jours.
C’est la raison pour laquelle nous avons proposé la biopolitique néolibérale comme alternative au système actuel, qui repose sur une identité politique exclusive. D’où l’exclusion stratégique, qui m’a permis de me positionner en courtier et d’accumuler des connaissances, théoriques et pratiques, provenant de différents domaines.
En effet, en tant que personne nodale par qui transitent des informations sensibles, j’ai pu explorer, et continue à le faire, l’approche multidimensionnelle et multiscalaire. Cette approche, qui m’a d’abord permis d’explorer la Ville et la problématique des institutions disciplinaire, m’a ensuite permis d’explorer les nouvelles technologies et ce que Deleuze appelle la « société de contrôle ». C’est que les institutions disciplinaires font face à des coûts qui nécessitent une nouvelle approche de l’insertion, c’est-à-dire une approche axée sur l’accompagnement en milieu ouvert. Or, pour l’instant, la bonne formule n’a pas été trouvée. Par exemple, l’ambulatoire et les unités mobiles sont privilégiés par l’hôpital, qui, de plus en plus, adopte une approche centrée sur la personne, une médecine personnalisée. Mais cette approche nécessite de repenser de fond en comble les soins, dont les coûts, qui sont mutualisés à travers la loi sur l’assurance-maladie (LAMal). Cela, bien entendu, n’est pas sans créer de pressions sur les travailleurs qui sont appelés à devenir de plus en plus flexibles leur faisant perdre le sens de leur profession. D’où l’épidémie de burnout, qui touche les professions de l’accompagnement social.
Cela étant dit, lors de l’apparition du COVID-19, plusieurs pays européens dont la Suisse ont tenté un monitoring technologique de la pandémie. Bien que la tentative soit plutôt mitigée, cette tentative constitue un précédent qui peut être amélioré grâce aux récents développements de l’IA. C’est que l’IA permet d’identifier des patterns, ce qui va dans le sens de l’économie des plateformes comme intermédiaires de choix entre les consommateurs et l’État. D’où une reconduction des droits individuels et de la sécurité des données par le biais de l’économie des plateformes. En effet, avec le coût marginal zéro de la reproduction des biens immatériels, les plateformes doivent lutter entre elles pour attirer le maximum d’utilisateurs afin d’entraîner leur IA respective. Mais, pour ce faire, elles doivent gagner la confiance des utilisateurs et trouver un moyen de les fidéliser. Or, la blockchain, c’est-à-dire le Web3, redonne du pouvoir aux utilisateurs, qui, à travers, une manière non-linéaire de concevoir leur identité, reprennent l’avantage sur les plateformes, qui, auparavant, possédaient un monopole sur leurs données, ce qui n’est plus le cas avec le Web3 tel que le définit Gavin Wood, co-fondateur d’Ethereum.
Mais la démarche n’est pas sans poser de problèmes. En effet, si les cryptomonnaies ont gagné en crédibilité, surtout en cette période d’incertitude du système bancaire, les États voient de plus en plus la nécessité d’émettre leur propre version numérique de leur monnaie, afin de préserver leur prérogative. Or, la protection de la vie privée des citoyens bloque une décision nette des gouvernants en ce sens, maintenant la zone d’incertitude dans laquelle nous nous trouvons actuellement face à la crise de la monnaie fiduciaire et de l’augmentation de la dette publique américaine, qui, sans aucun doute, conduit à une crise sans précédent.
C’est ainsi que ma théorie politique s’inscrit dans l’Ecole de Lausanne en économie et en sociologie. En m’appuyant sur Walras et Pareto, je cherche à formuler une théorie politique qui repose principalement sur mes enquêtes de terrains, puisque, comme je l’ai dit auparavant, la recherche sur la radicalisation conduit au constat qu’il n’existe pas de profil-type, ce qui incite le chercheur à procéder à partir du terrain. Grâce au biohacking, j’ai pu accroître mon attention aux détails et comprendre à travers la saisie de l’infinitésimal la nécessité d’analyser le processus de radicalisation au cas par cas, la radicalisation étant désormais entendu comme « processus d’exclusion socio-économique et politique ».
Or, comme l’ont bien remarqué Pierre Rosanvallon et Amartya Sen, le libéralisme social ne peut plus se fonder sur une conception de l’homme en tant qu’entité immuable, comme l’avait proposé John Rawls avec son « voile d’ignorance ». Car, chaque parcours doit être analysé pour lui-même, ce qui va dans le sens d’une approche centrée sur la personne (Carl Rogers). Mais il va sans dire que cette approche remet en question le droit positif, puisque le système doit faire preuve d’une flexibilité que ne permet un cadre normatif rigide s’il veut s’adapter aux personnes, comme le nécessite l’approche de Rogers.
C’est ainsi que l’identité politique exclusive est, selon moi, le problème principal que pose l’État-providence à une telle approche, puisque ce dernier fait du travail le cadre normatif de la société. Ainsi, est inclus dans la société celle ou celui qui travaille et, par corollaire, est exclu celle ou celui qui ne travaille pas, c’est-à-dire les personnes qui sont à l’assurance-chômage (AC), au revenu d’insertion (RI) et l’assurance invalidité (AI). De ce fait, l’identité professionnelle et l’identité nationale sont les deux types d’identité qui dominent en sein de l’État-providence, puisqu’en dehors des compétences professionnelles à proprement parler, les caractéristiques ethnico-religieuses, quoi qu’on en dise, en Occident, constituent les éléments d’un idéal du Moi implicite au sein de l’État-providence. En clair : l’étranger, au sein de l’État-providence, est suspect, car, malgré la rhétorique, ses origines n’en font pas un citoyen à part entière. D’où le problème de la zone neutre.
Ainsi, le choix de l’exclusion stratégique, après des blocages dont l’origine obscure trahit selon moi la zone neutre, m’a conduit à vivre de l’intérieur le processus de l’exclusion propre à l’État-providence, dont le paradoxe principal consiste à promouvoir l’inclusion. De ce fait, il y a comme un croisement entre l’inclusion exclusive et l’exclusion inclusive. C’est que le problème fondamental de l’identité politique en Occident est le narcissisme, motivé par la peur de ne pas être aimé. Or, en choisissant délibérément une identité socio-professionnelle floue, j’ai accru, volontairement, mon exclusion initiale, ce qui m’a conduit à analyser le lien entre l’objet a de Lacan et l’objet = x de Deleuze et Guattari.
En effet, l’objet a est un concept de la théorie psychanalytique de Jacques Lacan. Il représente le désir insaisissable, l’objet inatteignable qui motive le sujet dans ses relations interpersonnelles. Il est associé au manque, à la perte et à la frustration, et est souvent lié au phantasme et à la jouissance. Par contre, Gilles Deleuze et Félix Guattari, dans L’Anti-Œdipe (1972), développent une approche alternative à la psychanalyse traditionnelle. Leur objet = x est décrit, dans Mille Plateaux (1980), comme un concept qui se rapporte à la production désirante et à la manière dont les flux de désir sont organisés et régulés dans la société, à travers un devenir-machine où les frontières entre les sujets et les objets, ainsi qu’entre l’humain et le non-humain, sont brouillées et déstabilisées. Par-là, Deleuze et Guattari critiquent l’idée freudienne et lacanienne du désir comme étant fondé sur le manque, c’est-à-dire l’avoir, et proposent plutôt le désir en tant que processus productif et affirmatif. D’où l’idée que le fugitif affirmerait une sorte de souveraineté, à savoir une intensité. De ce fait, le refus du travail ou plutôt de la division du travail a accru mon exclusion initiale liée à mes origines chinoises, mais m’a fait prendre conscience du fonctionnement de l’État-providence, qui repose, du point de vue du contrat social, sur la volonté de travailler, caractérisant la volonté générale (Rousseau). Or, comme l’a bien remarqué John Rawls, dans une telle conception de la société, le free rider constitue le problème principal de la psychologie morale. C’est là où nous entrons dans
Le champ de forces
C’est qu’au sein du champ de forces, nous n’avons plus affaire à une conception statique de l’homme, comme a pu le proposer John Rawls, mais à une conception dynamique, immanente et empirique. C’est que les droits de l’homme, ou le voile d’ignorance, reposent sur une conception idéaliste de l’homme tandis que la Révolution numérique conduit à concevoir un homme hybride, dynamique et technologique. Or, bien que la notion des droits de l’homme repose sur une conception de l’homme en tant qu’être libre et égal en dignité et en droits, qui doit être respecté indépendamment de ses caractéristiques personnelles ou de ses conditions sociales, Carl Schmitt a contesté l’idée que le droit pouvait être séparé de la politique et qu’il pouvait exister en dehors des relations de pouvoir. Il a plutôt soutenu que le droit était en fait une expression de la souveraineté politique et que la question de savoir qui avait le pouvoir de déterminer ce qui est juridique et ce qui ne l’est pas était finalement une question de pouvoir politique. En d’autres termes, Schmitt a rejeté l’idée que le droit était une entité autonome et indépendante et il a plutôt insisté sur l’importance de comprendre la relation entre le droit et la politique. Bien que cette critique ait été largement discutée et débattue, elle reste pertinente aujourd’hui, car elle soulève des questions importantes sur la nature du droit et de la souveraineté politique, ainsi que sur la manière dont ces concepts sont utilisés et appliqués dans le monde contemporain.
C’est la raison pour laquelle j’associe cette critique au champ de forces, puisque ce dernier donne la prééminence au rapport de force en politique. Le champ de forces, en effet, peut être utilisé pour analyser les rapports de force en politique, en identifiant les acteurs et les enjeux en présence, ainsi que les dynamiques d’interaction et de changement. En examinant les forces en jeu, on peut tenter de comprendre les logiques de pouvoir et de résistance qui traversent les situations politiques et sociales. Le champ de forces peut ainsi permettre de déconstruire les discours et les représentations dominantes et d’ouvrir de nouvelles perspectives critiques. D’où la critique du pouvoir. Autrement dit, le champ de forces est un outil conceptuel qui permet de visualiser les rapports de force entre différents acteurs politiques, économiques et sociaux. Il permet surtout de mettre en évidence les relations de pouvoir qui peuvent en découler ; par exemple, la logique actuelle de la finance, qui repose sur la politique des banques centrales, et la logique de l’accompagnement social, qui, elle, repose sur les subventions de l’État ; à partir de ces deux logiques, en effet, qui voient se creuser l’écart entre les riches et les pauvres, l’État doit trouver un équilibre. Ainsi, le champ de forces offre une grille d’analyse pertinente pour critiquer le pouvoir et pour comprendre comment il s’exerce dans les différentes sphères de la société.
Dans mon cas précis, en tant que commissaire d’action auto-désigné, j’ai procédé à une auto-exclusion stratégique qui m’a conduit à « recourir aux forêts » (Ernst Jünger), c’est-à-dire à me cacher en ville, auprès de la population. Cela m’a permis d’accéder à mes trois terrains de recherche que sont : 1) l’hôpital ; 2) les écoles ; et 3) les associations et les fondations spécialisées dans l’accompagnement social ; et ce, durant huit années (2015-2023).
Étant donné que la particularité de la recherche sur la radicalisation, la production du savoir ne pouvait se faire qu’à partir du terrain, puisque l’analyse des cas avérés pointait – systématiquement – vers une pluralité des profils qui n’avaient finalement que très peu de choses en commun. D’où l’accompagnement social comme point d’accès à l’analyse de ce phénomène complexe, que j’associe à la circulation des élites[6].
À partir du terrain, donc, j’ai effectué une enquête sociale afin de mieux comprendre le phénomène de radicalisation, que j’ai abordé en tant que pur signifiant, notamment en lien avec les préoccupations de la population sur les questions sécuritaires, ce qui m’a conduit à accumuler des notes ethnographiques. Or, ce n’est que récemment (mi-janvier 2023) que j’ai terminé la première phase de mes recherches, qui consistait à la récolte des données. Depuis, je procède à l’analyse de ces dernières tout en poursuivant mon action sociale. D’où l’effet de concaténation entre la théorie et la pratique, c’est-à-dire que la théorie politique que je construis à partir de mes données d’enquête accroît mon efficacité pratique, qui, en retour, accroît l’efficacité de mon travail théorique. De là émerge un charisme. Ce charisme me permet alors de sonder les émotions de mes interlocuteurs, qui se caractérisent par une « hyper-sensibilité », et d’analyser leur rapport à l’objet, ce qui me donne ensuite la possibilité de les situer sur une carte topologique en lien avec l’exclusion inclusive et l’inclusion exclusive.
Ainsi, dès que j’ai situé la personne sur la carte du champ de forces, je cherche ensuite à comprendre comment je peux l’aider à déconstruire son aliénation et, pour ce faire, je me concentre sur la distinction entre le travail aliénant et le travail créateur. En effet, l’État-providence a mis au cœur de sa démarche le travail, tandis que la biopolitique place la santé au cœur de la sienne. C’est donc de la nécessité d’un changement de priorité que mon accompagnement vise. C’est pourquoi j’aide la personne à passer d’une éthique du travail à une éthique du care, c’est-à-dire à prendre soin d’elle-même (ἐπιμέλεια ἑαυτοῦ). Autrement dit, il s’agit d’apprendre à résister en critiquant le système actuel à travers l’expression artistique.
Étant donné que la population dans son ensemble n’est pas encore prête à accepter le revenu universel, c’est principalement à une forme de résistance que j’initie les personnes qui me suivent. D’où la refonte des habitudes de vie sur des bases saines.
Par ailleurs, en aidant la personne à déconstruire son identité narrative (linéaire) au profit d’une identité numérique (non-linéaire), je lui montre comment tirer parti de l’économie du savoir, c’est-à-dire de la Révolution numérique. Pour ce faire, je lui montre l’exemple de mon blog. En effet, formé à la génétique textuelle, je sais que le support détermine le rapport à la lecture et à l’écriture. Ainsi, le support électronique change notre rapport traditionnel à la réception et à la production d’un texte. D’où la centralité de l’oralité et de l’écoute active. C’est là, d’ailleurs, que ma formation en littérature me vient en aide, puisqu’en étudiant l’œuvre de François Bon, j’ai été attentif au rapport à son blog, « Le Tiers Livre », qui l’a conduit à revoir son rapport aux livres. Car il s’est rendu compte que le blog est un lieu de création littéraire en temps réel où l’auteur peut écrire et publier des textes en direct. Il est dans un rapport direct avec ses lecteurs, qui peuvent commenter les textes et participer à leur élaboration. C’est, de plus, un espace de liberté où l’auteur peut expérimenter de nouvelles formes d’écriture et de narration. Le blog est donc un lieu de création littéraire vivant et interactif qui permet à l’auteur d’explorer de nouvelles voies d’écriture et de partager son travail avec ses lecteurs. D’où le renversement du rapport de force que permet le cyberespace, puisqu’il offre un espace de réalisation infini où les individus peuvent construire une architecture mentale, imaginaire et symbolique, qui possède un impact sur le réel. D’où le palais de la mémoire. Car ce dernier, à l’instar des jeux vidéo, permet un jeu de miroirs, ce qui explique son lien avec la réalité, que nous associons à la tension fondamentale, raison pour laquelle il est important de revenir sur les deux penseurs que sont
Carl Schmitt et Gilles Deleuze
Dans son livre Que faire de Carl Schmitt ? (2011), Jean-François Kervégan a mis en évidence une proximité entre Carl Schmitt et Gilles Deleuze sur la conception du sujet comme pure intensité. Selon lui, Schmitt et Deleuze partagent une critique commune de la conception classique de la souveraineté comme pouvoir absolu et proposent une alternative qui met l’accent sur la force immanente à l’intérieur du champ de forces. Deleuze a développé cette conception dans sa philosophie en insistant sur la dimension dynamique et changeante de la subjectivité, qui est continuellement transformée par des forces extérieures. Cette idée rejoint la conception schmittienne du politique comme domaine où les relations de force sont toujours présentes et où les frontières entre amis et ennemis sont constamment redéfinies. En fin de compte, cette approche permet une critique radicale du pouvoir et une réflexion sur la possibilité de nouvelles formes d’émancipation politique.
De ce point de vue, les droits de l’homme sont critiqués, car, s’ils sont souvent présentés comme universels et inaliénables, leur conception est en réalité le produit d’une certaine culture et d’une certaine histoire. De plus, leur application peut être soumise à des interprétations diverses, ce qui peut rendre leur protection partielle ou insuffisante dans certaines situations. Enfin, la notion des droits de l’homme peut être utilisée à des fins politiques et diplomatiques, ce qui peut remettre en question leur véritable légitimité dans le sens où ils cacheraient une realpolitik. C’est la raison pour laquelle je privilégie une conception immanente du droit à travers une conception du droit naturel reposant sur le politique au lieu d’une conception positive du droit.
Il est en effet possible de concevoir le droit naturel comme reposant sur le politique, notamment en se référant à la notion de champ de forces. Cette approche permet d’envisager le sujet comme une intensité, une force dynamique en perpétuel mouvement, plutôt que comme une entité figée dans une norme. Le corps peut effectivement être considéré comme le premier champ de forces dans la mesure où il est traversé par des flux énergétiques et des mouvements perpétuels qui participent à la constitution du sujet. Cette conception peut permettre de dépasser les limites de la normativité des droits de l’homme et de s’ouvrir à une approche plus immanente et dynamique de la nature humaine.
Ainsi, le biohacking constitue un moyen de résister à la pression de l’État-providence, notamment à son système de santé, qui privilégie le traitement médicamenteux. Il se caractérise en tant que moyen préventif et permet de ce fait de résister à la violence symbolique de l’autorité médicale, particulièrement du pouvoir psychiatrique. De plus, cette résistance ouvre sur une approche artistique, à savoir la critique artiste ou le poético-politique. Car le minoritaire, ne pouvant affronter le politique frontalement, favorise la ruse et la lutte asymétrique pour entrer dans un rapport de force avec le pouvoir dominant. D’où le processus de déterritorialisation par lequel le sujet ne se laisse saisir du point de vue normatif. En ce sens, le minoritaire de Deleuze ressemble au partisan motorisé de Schmitt.
Cependant, la différence fondamentale entre Deleuze et Schmitt réside dans leur conception du politique et du pouvoir. Pour Schmitt, le politique est centré autour du concept de souveraineté et du rapport ami-ennemi, ce qui implique une certaine verticalité et une hiérarchie entre les acteurs politiques. En revanche, Deleuze, dans sa théorie des minorités et des lignes de fuite, s’intéresse aux mouvements horizontaux et transversaux de résistance qui émergent en dehors des structures institutionnelles et qui remettent en question le pouvoir dominant.
Ainsi, pour Deleuze, le potentiel de résistance se situe plutôt du côté des minorités, des marges des espaces interstitiels et des flux rhizomatiques qui traversent la société, tandis que pour Schmitt, le pouvoir souverain est incarné par une figure centrale qui concentre l’autorité et la légitimité. Néanmoins, les deux pensées partagent l’idée que le pouvoir est toujours une relation de force et de tension entre les acteurs politiques et que la résistance et la lutte politique sont des éléments inhérents à la vie en société.
De cette manière, en agissant en tant que commissaire d’action auprès des gens de la marge, des exclus et des outsiders, et en cherchant à partager avec eux la critique artiste, je me situe à la fois du côté de Carl Schmitt dans le sens où je me prévaux d’une situation d’exception grâce au mandat impératif du peuple mais je me situe également du côté de Deleuze et Guattari dans le sens où je m’oppose au pouvoir dominant, celui de l’État-providence.
À partir de là, voilà comment je procède concrètement :
Avec mon blog, je mise sur le bouche-à-oreille, car je sais – par expérience – que le bouche-à-oreille permet de construire un noyau de clients solides. En effet, il est souvent considéré comme une source d’information plus fiable que la publicité traditionnelle, puisque les gens ont tendance à faire davantage confiance aux recommandations de leurs proches. Il est aussi généralement peu coûteux, voire gratuit. C’est que je n’ai pas besoin de dépenser beaucoup d’argent en marketing et en publicité pour attirer de nouveaux lecteurs. Et ces derniers sont souvent plus engagés et intéressés par le contenu. Ils sont en effet plus susceptibles de s’abonner, de commenter et de partager mes articles avec d’autres, contribuant ainsi à la croissance continue de mon audience, qui, à terme, permet de construire une communauté solide et fidèle autour du blog. D’ailleurs, les personnes qui le recommandent partagent souvent des intérêts similaires, ce qui peut favoriser des discussions et des interactions de qualité au sein de mon audience. Finalement, le bouche-à-oreille peut potentiellement conduire à un effet viral, où une recommandation en entraîne une autre, augmentant rapidement la notoriété de mon blog. D’où l’importance du contenu de qualité.
En outre, afin d’accroître l’engagement, je fais signer un document de consentement aux gens que j’accompagne. Ce document m’autorise à les nommer, ce qui peut rendre mes articles plus authentiques et tangibles pour mes lecteurs. Cela peut également les encourager à s’identifier aux personnes que j’accompagne et à s’intéresser davantage à mon action sociale. Car les témoignages et les histoires personnelles peuvent aider à montrer l’impact réel de mon action et à sensibiliser les lecteurs aux enjeux auxquels ces personnes sont confrontées.
De plus, en nommant des personnes, je facilite l’établissement de liens au sein de ma communauté. Car mes lecteurs contactent ces personnes et les soutiennent de manière plus personnelle. Cela contribue à renforcer le sentiment de solidarité et à accroître la pertinence de mon blog. Aussi, les personnes mentionnées sont plus enclines à partager mes articles avec leur propre réseau, augmentant – de ce fait – la visibilité de mes travaux. Ainsi, cette manière de procéder me permet d’attirer de nouveaux lecteurs.
Mon blog sert aussi de support aux activités que je propose dans le cadre de mon action sociale, ce qui renforce sa centralité et sa pertinence pour les participants et les lecteurs. En effet, en partageant des documents pédagogiques et des supports liés à mes activités, je fournis des ressources pour les participants et d’autres personnes intéressées par mon domaine d’action. Cela peut les aider à approfondir leur compréhension des sujets abordés et à s’engager davantage dans les activités que je propose, favorisant de ce fait l’apprentissage collaboratif et la création de liens entre les membres. Cela peut aussi leur en faciliter l’accès, puisqu’ils peuvent se référer à mon blog pour retrouver plus rapidement les documents dont ils ont besoin, ce qui renforce l’efficacité et l’organisation de mes activités. Cela me positionne également en tant qu’expert, car, en proposant des ressources et des documents pédagogiques, je renforce mon positionnement en tant qu’expert ou référence dans mon domaine d’action, développant ainsi une communauté engagée autour de mon blog.
Étrangement, mon blog me rend à la fois visible et invisible. Il me rend visible, car j’agis en toute transparence. Mais cette transparence, paradoxalement, me rend invisible dans le sens où mon blog se rattache à aucune institution, c’est-à-dire que je ne possède aucun mandat si ce n’est celui que je veux bien me donner. Ainsi, cette superposition paradoxale offre les conditions idéales pour la recherche-action, puisque cette dernière consiste en une approche qui vise à résoudre des problèmes concrets tout en générant de nouvelles connaissances. L’invisibilité d’un chercheur, dans ce contexte, se réfère généralement à la minimisation de sa présence et de son influence sur les participants et le processus de recherche. Ainsi, en étant moins visible, je réduis l’effet d’observation, c’est-à-dire la tendance des participants à modifier leur comportement en présence de l’observateur. Cela peut conduire à des données plus authentiques et fiables qui reflètent mieux la réalité des participants. Mon invisibilité peut aussi favoriser l’autonomie et la prise en main des participants dans le processus de recherche et de résolution des problèmes. Cela peut contribuer à renforcer leur sentiment d’appropriation et d’engagement dans le projet. Par ailleurs, en étant moins visible, le chercheur peut réduire les biais et les influences qu’il peut exercer sur les participants et le processus de recherche. Cela peut contribuer à une meilleure qualité des données et à des conclusions plus solides et objectives. Cette invisibilité permet également d’étudier les participants dans leur contexte naturel et leurs interactions quotidiennes sans interférence extérieure. Cela donne un aperçu plus précis des dynamiques et des processus en jeu dans la situation étudiée. Finalement, en étant moins présent et visible, j’encourage le développement des compétences et des capacités locales parmi les participants. La durabilité et l’impact à long terme des solutions mises en place dans le cadre de la recherche-action sont ainsi favorisés.
Cependant, lorsque nécessaire, je me constitue en personne-ressource dans le sens où je m’implique activement dans l’accompagnement des artistes. En effet, cela ne se limite plus à une initiation à l’IA, mais s’étend à la construction d’une identité numérique. C’est là où, justement, je peux m’appuyer sur la construction de ma propre identité numérique pour aider les requérants à construire la leur. C’est que mon écoute clinique et ma connaissance de l’écosystème numérique me permettent de les aider à définir une stratégie pour atteindre leurs objectifs. Il va sans dire que cela passe par une connaissance de soi et du champ de forces, auquel je les initie. C’est-à-dire que je leur apprends à considérer la Ville et le cyberespace en tant qu’espaces non-linéaires et la principale difficulté pour ce faire est de déconstruire la conception linéaire qui sous-tend la représentation d’eux-mêmes. Cela demande, en effet, une flexibilité à laquelle ils ne sont pas habitués et qui les a même rendus malades pour certains. C’est donc à se concevoir en tant que Moi multiple que je les initie. Et cela passe par ce que j’appelle la « vidéoscopie autocritique », c’est-à-dire la critique de soi à travers la perception de son image (icône, effigie). En
Conclusion,
Ma théorie politique repose sur l’idée que le biohacking, en permettant une amélioration de la proprioception, c’est-à-dire un équilibre entre les capitaux corporel, culturel et social, est un moyen de développer une présence à soi nécessaire à l’expression authentique. Le biohacking est également une approche préventive caractéristique de la biopolitique néolibérale, qui permet de résister à la pression institutionnelle de l’État-providence en matière de santé et plus particulièrement aux traitements médicamenteux, auxquels l’approche phénoménologique participe dans le cadre du suivi thérapeutique.
Mon approche s’inscrit donc dans une critique du pouvoir dominant, en s’opposant à une conception essentialiste de l’homme qui sous-tend les droits de l’homme et à la conception ontologique sur laquelle s’appuient les professionnels de la santé en faisant référence à Heidegger. À cette conception, je préfère une conception immanente reposant sur une conception du droit naturel qui fait du politique un champ de forces dans lequel le sujet est conçu comme une intensité.
De ce fait, en partant du « pure signifiant » selon Lacan, je me situe à la fois du côté de Carl Schmitt, en me prévalant d’une situation d’exception grâce au mandat impératif du peuple pour agir en tant que commissaire d’action, mais également du côté de Deleuze et Guattari, en m’opposant au pouvoir dominant et en cherchant à travailler avec les gens de la marge pour activer chez eux la critique artiste.
En somme, ma théorie politique propose une conception dynamique, immanente et empirique de l’homme de telle sorte qu’elle permette de résister aux forces dominantes à travers la ruse, la lutte asymétrique et surtout la technologie et ce, afin d’entrer dans un rapport de force.
[1] Selon David Graeber, plus de la moitié des emplois dans la société moderne sont des « bullshit jobs » et ont des effets néfastes sur la santé mentale et le bien-être des travailleurs.
[2] Il y a plusieurs philosophes qui contestent l'idée de l'État mondial, telle que je le présente dans ce paragraphe. Par exemple, le philosophe allemand Martin Heidegger, dans son ouvrage Être et temps, critique l'idée d'un gouvernement mondial en soulignant que cela risque de conduire à une uniformisation des cultures et à la perte de l'identité des peuples. De même, le philosophe français Jean-Luc Nancy, dans son livre La communauté affrontée, rejette l'idée d'une mondialisation qui tendrait à réduire les particularités et les différences culturelles au nom d'une norme universelle. Enfin, la philosophe américaine Martha Nussbaum, dans son livre Not for Profit: Why Democracy Needs the Humanities, plaide pour le maintien de la diversité culturelle et de la liberté individuelle face aux tendances uniformisantes de la mondialisation.
[3] Juliet Rhys-Williams a émis la première l’idée d’un negative income tax dans Something to Look Forward To. A Suggestion for a New Social Contract (1943).
[4] L’idée est aussi connue sous le concept de réification, développé par Georg Lukács.
[5] Zoltan Pozsar, « We are witnessing the birth of a new world monetary order », Credit Suisse, 7 mars 2022, https://www.credit-suisse.com/articles/news-and-expertise/2022/03/en/we-are-witnessing-the-birth-of-a-new-world-monetary-order.html.
[6] Je me réfère particulièrement aux travaux du Dr. Ankit Shah sur la dé-dollarisation et notamment à la visioconférence qu’il a donnée sur la chaîne YouTube « Sangam Talks » le 25 mars 2023, intitulée « DeDollarization = DeRadicalization = DeMissionarization = DeCommunism ».
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