LA TRANSCENDANCE DE LA PURE IMMANENCE

    
« L’art qui ne s’expose pas à des menaces et à des stimulants venus du dehors s’épuise. L’art littéraire trouve ses matériaux dans la vie, mais la vie, qui est ainsi la mère de la littérature, est en même temps son ennemie implacable. Bien que la vie habite l’auteur même, elle est aussi l’antithèse éternelle de l’art. »

Yukio Mishima, Le Japon moderne et l’éthique du samouraï, Paris : Gallimard, 1985, p.21.


INTRODUCTION

Suite à sa réflexion développée dans La Part maudite, Georges Bataille en était venu à penser que seuls les pauvres et les incultes ont accès à l’expérience mystique, puisque cette expérience pour être ce qu’elle prétend être, à savoir un néant absolu, exige une inutilité totale à laquelle donne accès l’érotisme. Cependant, l’érotisme pour caractériser cette expérience requiert l’expression. C’est pourquoi nous disons, avec Georges Bataille, que littéraire est son essence.
Dans la littérature, en effet, la vie ordinaire est renversée au profit de la vie extraordinaire. Ce qui est désiré dans l’une est haï dans l’autre. Et ce qui fait le but de l’une devient le repoussoir de l’autre. Nous disons, entre autres, que nous avons là affaire à une interversion des valeurs où les valeurs du monde réel et celles du monde fictif sont inversées. C’est ainsi que, parmi ces valeurs, la sexualité honnie du monde réel devient le tout du possible du monde fictif et que chacun de ces mondes donne à voir ce que l’autre rejette fondamentalement, à savoir l’acquisition utile et la consumation inutile.
Pour Bataille, le premier de ces mondes, le monde réel, est le monde de l’HOMME SERVILE, qui voit dans l’utilité la valeur suprême. C’est pourquoi, dans une logique inverse, mais non sans rapport, il voit dans l’inutilité du monde fictif le monde de l’HOMME LIBRE. Dans La Part maudite, cependant, Bataille pense avoir manqué à son but, car, malgré ses efforts, la consumation demeurait une production, à savoir une production improductive. En d’autres termes, l’inutile avait encore une utilité. Or, avec l’érotisme, Bataille est cette fois-ci certain de se trouver sur le terrain de la consumation pure. C’est pourquoi il peut reprendre à nouveau frais son idée de la consumation du point de vue des questions économiques (I), démographiques (II) et militaires (III).


I
La consumation du point de vue des questions économiques

Si les riches et les gens cultivés sont pleinement adaptés au monde réel, celui de la pensée, où l’utilité se trouve être la valeur ultime, les pauvres et les incultes, avons-nous dit, ont accès à la valeur ultime à travers l’érotisme qui fait de l’inutilité de toutes choses le sens de la vie, ce que Bataille appelle l’« expérience mystique ». Le monde de la pensée, en effet, est un monisme, selon lui, incompatible avec le dualisme ou le pluralisme des mondes, qui caractérisent la fiction. Or, en pensant l’érotisme du point de vue d’une expérience mystique, Bataille ne veut pas penser l’érotisme dans la pensée (le monde réel), mais la pensée dans l’érotisme (le monde fictif). C’est pourquoi il oppose les hommes aux animaux. Car, opposer les hommes aux animaux c’est pointer l’universel dans la sexualité qu’est l’interdit de l’inceste, c’est montrer la dimension culturelle de l’humain. C’est également consacrer les travaux de Claude Lévi-Strauss, qui reposent sur l’interdit de l’inceste. Claude Lévi-Strauss, en effet, à l’instar de Freud, oppose la culture à la nature, censée caractériser les animaux. « Il y aurait ainsi dans l’horreur de l’inceste un élément qui nous désigne en tant qu’hommes, et le problème qui en découle serait celui de l’homme lui-même, en tant qu’il ajoute à l’univers l’humanité. »[1] C’est la raison pour laquelle, selon Bataille, l’interdit de l’inceste ne s’explique pas par la nature seule mais par l’histoire. Si Lévi-Strauss adhère à la même idée, il échoue pourtant à l’expliquer. C’est que l’explication, pour rendre compte de ce fait total qu’est l’exogamie, doit se situer sur un plan économique, celui du don. Un homme et une femme qui font l’amour se donnent l’un à l’autre. Et ils donnent ce surplus d’énergie caractéristique du don. Or, le don se fait en direction de l’Autre, de l’étranger et non pas du Même, de l’identique. La femme fait donc partie intégrante d’une communication organique. « Il y a communication plus intense dans l’échange à base de générosité que dans la jouissance immédiate. Plus précisément, la festivité suppose l’introduction du mouvement, – la négation du repli sur soi, donc un déni de la valeur suprême de l’avarice. La relation sexuelle est elle-même communication et mouvement, elle a la nature de la fête, c’est parce qu’elle est essentiellement une communication qu’elle exige dès l’abord un mouvement de sortie. »[2]
Bien que Lévi-Strauss insiste moins que Bataille sur la dimension économique de l’échange des femmes, il est tout à fait conscient que le mariage constitue une « coopérative de production » indispensable au bon fonctionnement de la société. « Si une société organise mal l’échange des femmes, un désordre réel s’ensuit. »[3] Car, la femme à laquelle je me refuse l’accès entraîne ailleurs, à n’en pas douter, une attitude similaire de la part d’un autre homme. « Mais dans cette simple opposition, nous n’avons qu’une organisation dualiste et l’échange est dit restreint. Si plus de deux groupes sont en jeu, nous passons à l’échange généralisé. »[4]
Si l’économie du don, par ailleurs, explique le mariage, quel est le rapport du mariage avec l’érotisme ? L’interdit de l’inceste donne une valeur symbolique à l’objet (de l’échange), c’est-à-dire à la femme. C’est là où l’homme dépasse l’instinct purement animal. Et c’est justement parce que l’interdit de l’inceste permet de dépasser cet instinct que l’interdit de l’inceste s’explique par l’histoire.
Bataille a pris soin, de plus, dès le début de son livre d’indiquer que le travail caractérise l’homme : « Nous savons d’une part que les hommes fabriquèrent des outils et les employèrent à diverses besognes, en vue de pourvoir à leur subsistance. Ils se distinguèrent, en un mot, des animaux par le travail. Parallèlement, ils s’imposèrent un certain nombre de restrictions concernant l’activité sexuelle et l’attitude à l’égard des morts »[5]. C’est ainsi qu’il élabore un principe : « Je poserai en principe le fait peu contestable que l’homme est un animal qui n’accepte pas simplement le donné naturel, qui le nie. Il change ainsi le monde extérieur naturel, il en tire des outils et des objets fabriqués qui composent un monde nouveau, le monde humain. L’homme parallèlement se nie lui-même, il s’éduque, il refuse par exemple de donner à la satisfaction de ses besoins animaux ce cours libre, auquel l’animal n’apportait pas de réserve. Il est nécessaire encore d’accorder que les deux négations – du monde donné et de sa propre animalité – par l’homme sont liées. Il ne nous appartient pas de donner une priorité à l’une ou à l’autre, de chercher si l’éducation (qui apparaît sous la forme des interdits religieux) est la conséquence du travail, ou le travail la conséquence d’une mutation morale. Mais en tant qu’il y a l’homme, il y a d’une part travail et de l’autre négation par interdits de l’animalité de l’homme. »[6]
Aux besoins animaux et au monde donné, il faut ajouter un troisième interdit sur lequel Hegel, nous dit Bataille, a beaucoup insisté : la connaissance de la mort. Mais Bataille ajoute que Hegel passe sur l’interdit de l’inceste, alors qu’il a beaucoup insisté sur la négation des besoins animaux. C’est selon Bataille une négligence qu’il lui faut réparer. En effet, le problème de l’inceste réside selon lui dans l’obscénité, car l’obscénité est un rapport à l’objet : « Ceci est obscène si cette personne le voit et le dit, ce n’est pas exactement un objet, mais une relation entre un objet et l’esprit d’une personne »[7]. Dès lors que la négation de la sensualité est ainsi mise en avant, nous pouvons dire que l’interdit de l’inceste appartient au domaine de l’obscénité parce que la sensualité est niée.
Cette négation de la sensualité fait pleinement partie de l’approche intellectualiste de Lévi-Strauss. Le don est donc le renoncement par excellence à la sensualité. C’est autrement dit une dépense. « Même si le don soulage, comme l’acte sexuel, ce n’est plus en aucune mesure à la manière dont l’animalité se libère : et l’essence de l’humanité se dégage de ce dépassement. »[8] À travers cet interdit, nous comprenons ainsi comment les hommes fondent à proprement dire un milieu humain.
Or, si l’érotisme appartient bien au monde humain, il est lié à sa transgression. « Ce qui importe essentiellement c’est qu’existe un milieu, si limité fût-il, où l’aspect érotique est impensable, et des moments de transgression où l’érotisme atteint la valeur de renversement la plus forte. »[9]
Ce qui est intéressant avec Bataille, c’est que le double rejet de la nature et de la sexualité fonde le milieu humain (Moi social). « L’homme est un animal qui nie la nature : il la nie par le travail, qui la détruit et la change en un monde artificiel, il la nie en l’espèce de l’activité créatrice de la vie, il la nie en l’espèce de la mort. L’interdit de l’inceste est l’un des effets de la nausée qu’eut de sa condition bestiale l’animal qui devenait humain. Les formes de l’animalité se trouvèrent exclues d’un monde clair, qui avait le sens de l’humanité. »[10] Le rejet du Moi social appartient donc à la même catégorie que la transgression de l’érotisme. Il est de l’ordre de la fiction, de l’imagination. C’est en quelque sorte la négation de la négation. De cette manière, on peut dire que Bataille rejette Hegel. Il est en effet question chez Bataille d’une distance fondamentale, qui, par beaucoup d’aspects, s’apparente à la distance aristocratique de Nietzsche. Ou encore cette angoisse de la saleté, de la sexualité, qui renvoie à l’humanité entière. « Il est certain qu’une observation plus scrupuleuse des interdits tend à distinguer les hommes les uns des autres. Et s’il est vrai que la richesse rend cette observation plus facile – au delà de la force physique, ou de la force de commandement, c’est moins la richesse que la distance plus grande par rapport à la bestialité qui distingue, qui qualifie socialement. »[11]
Ce besoin de se distinguer en tant qu’humain est lié au besoin des individus de fonder une humanité authentique à partir d’eux. « Tout engage à croire, en effet, que la vie pourrait n’être en somme qu’une recréation continuelle, qui le plus souvent suppose la méconnaissance de ce que d’autres avaient créé avant eux : c’est qu’apparemment l’homme ne vit que de création renouvelée, que l’effet de la création s’épuise, que sans les créateurs, et même très vite après leur mort, l’humanité s’affaisse, s’endort, et qu’il lui faut sortir à nouveau de la nuit. »[12] Cependant, pour qu’il y ait rupture, il faut qu’il y ait eu conscience de la totalité de ce qui a précédé (Moi social) et de ce qui est à venir (Moi authentique). C’est ce que Bataille appelle la totalité du possible : « Il va de soi, de toute manière, que l’histoire a bien été l’exploration (peut-être inachevée) de tout le possible de l’homme, que fonde la négation de la nature. C’est la négation du donné, de tout le donné, dont les conséquences sont cherchées jusqu’à la dernière. Il y a une révolte, un refus de la condition proposée qui se manifeste au premier instant dans l’attitude de l’homme. C’est là ce que signifie la quête infiniment renouvelée de la totalité du possible – pour chaque homme, ou du moins pour tout ensemble solidaire, au delà de ce qui avait été possible avant lui. »[13] C’est la raison pour laquelle l’érotisme ne fait partie que d’une nécessité dialectique qui fait à l’homme sentir son humanité. C’est dans ce sens justement que Bataille parle de pensée dans l’érotisme. « Que l’on songe à la voracité de l’animal, à laquelle s’oppose le calme d’un cuisinier. Il manque à l’animal une opération élémentaire de l’intelligence, qui distingue l’action et le résultat, le présent et l’avenir, et qui, subordonnant le présent au résultat, tende à substituer l’attente de quelque autre chose à ce qui est donné dans l’instant, sans attente. Mais l’intelligence humaine à la fois la possibilité de l’opération et la fragilité de celui qui en escompte le résultat : celui-ci peut mourir trop tôt et, dès lors, son attente restera à jamais déçue. Ainsi le travail serait bien la démarche d’où procédera l’évolution des hommes, à l’origine des nausées et des interdits qui en commandèrent le destin. »[14] Dès lors l’homme travaille par anticipation de sa mort. Et il travaille plus ardemment qu’il en a d’autant plus conscience. Par contre, l’angoisse de la mort est indissociablement liée à l’érotisme : l’un(e) renforce l’autre. Ceci explique pourquoi la virilité de l’homme qui n’a pas peur de la mort augmente son attrait érotique auprès des femmes. Mais que dire de cette hécatombe dont la vie est le prix et pour lequel la conscience ne modère pas la lutte ?


II
La consumation du point de vue des questions démographiques

Contrairement à la thèse dévelopée par Ernst Kantorowicz dans Les deux corps du roi (1957), cette hécatombe devient une réalité aussitôt que le roi meurt : « À peine le macabre événement est-il annoncé, de toutes parts des hommes courent, tuant ce qu’ils rencontrent devant eux, pillant et violant à l’envi »[15]. Mais ce retour à la nature, nous dit Bataille, n’est pas un simple retour à la nature, car le retour à la nature qui procède de la négation de la négation n’est pas un simple processus. « J’ai dit que la négation humaine initiale, créatrice de l’humain contraire à l’animal, portait sur la dépendance de l’être par rapport au donné naturel, au corps, qu’il n’a pas choisi : la rupture de la fête n’est nullement une manière de renoncer à l’indépendance, elle est plutôt l’aboutissement d’un mouvement vers l’autonomie, qui est, pour jamais, la même chose que l’homme lui-même. »[16] Ici, la négation de la négation a un sens tout aussi sacré que la négation elle-même. « Ce qui s’est passé se résume en une simple phrase : la force d’un mouvement, que le refoulement a décuplé, a projeté la vie dans un monde plus riche. »[17] C’est-à-dire que le premier arrachement de la vie animale à la vie profane se caractérise par le pacifisme auquel la vie sacrée met fin. D’où la fascination angoissée qu’exerce la vie sacrée.
À celle-ci, en effet, est lié le désir-plaisir de meurtre. L’attrait de la mort, du cadavre, est donc l’attrait pour le meurtre. « À nous reporter à la fête dont j’ai parlé, qui est rudimentaire, informe, et qui suit quelque fois la mort des rois, nous pouvons embrasser le complexe unissant dans une explosion prolongée la mort, l’érotisme et le meurtre »[18]. Ce schéma, comme nous pouvons le voir, constitue une nouvelle théorie de la souveraineté, puisque la « mort du roi » ouvre une période incertaine où l’envers et l’endroit s’inversent et où l’absence de roi fait de chaque individu un souverain en puissance. « Et, si entier que soit le tableau de la « fête de la mort du roi », unissant à la corruption du cadavre royal le débordement sexuel et la frénésie du meurtre, ce n’est encore que le schéma dont il faut donner du sens. »[19] En effet, l’angoisse devant la mort est en fait une angoisse du vide qui explique notre frénésie au travail, c’est-à-dire le désir ardant de combler le vide. L’érotisme est également une réponse à cette angoisse. C’est pourquoi Bataille explique que l’objet de nos désirs nous pousse à nous exposer, à prendre des risques. La fiction, par exemple, illustre bien ce mécanisme.
« En effet, l’attrait d’un roman se lie aux malheurs d’un héros, aux menaces qui pèsent sur lui. Sans difficultés, sans angoisses, sa vie n’aurait rien qui nous attache, rien qui nous passionne et nous force à la vivre avec lui. »[20] Mais la fiction, en réalité, ne fait que prolonger le sacrifice religieux, qui est lui-même une sorte de fiction où l’on rend le dieu présent. « Plus le héros approche de la divinité, plus sont grandes les pertes au-devant desquelles il va, et plus grands les dangers qu’il encourt volontairement. Seule la divinité vérifie, d’une manière démesurée, le principe selon lequel le désir a pour objet la perte et le danger. Mais la littérature est plus proche de nous, et ce qu’elle perd sur le plan de la démesure est gagnée sur le plan de la vraisemblance. »[21]
Ainsi, l’« immense perte, qu’est la mort du souverain, ne donne pas forcément l’idée d’en compenser l’effet : plutôt, puisque le mal est fait, s’enfoncer furieusement dans le mal. La mort d’un roi est semblable en un sens à la vue d’un vide dont ne nous sépare aucun parapet : elle peut nous engager à reculer, mais aussi bien l’image de la chute possible, qui lui est liée, peut aussi nous suggérer d’y sauter, malgré ou pour la mort que nous y trouverons. Cela dépend de la somme d’énergie qui demeure en nous disponible, sans pression, mais dans un certain déséquilibre. »[22] Cette image de la chute, en effet, caractérise la fiction. Car, la fiction – en quelque sorte – préfigure le retour à l’ordre. Elle est, pour la réalité, une manière de garantir de l’ordre. « Il n’est pas de fête collective, en principe, qui entame une richesse fondamentale, sans laquelle ne pourrait être assuré le retour de la fête suivante, en même temps démesurée et mesurée, comme l’était la première. Et finalement ce n’est pas la ruine, encore moins la mort, c’est la joie que la recherche de la ruine atteint dans la fête. Nous nous approchons du vide, mais ce n’est pas pour y tomber. Nous voulons nous griser de vertige et l’image de la chute y suffit. »[23]

Nous comprenons alors que la fiction agit comme un moyen de reconnaissance à l’égard d’une réalité dont le caractère brutal est par la fiction atténué. Cet effet tampon de la fiction fonctionne de cette manière comme un moyen de prendre conscience. « Ainsi l’approche fictive de la mort, par la littérature ou le sacrifice, annonce seule la joie qui nous comblerait, si son objet était réel, qui nous comblerait du moins en principe, puisque morts, nous ne serions plus en état d’être comblés. »[24]

Sur ce plan, la tragédie et la comédie, et de même le roman authentique, dans la mesure où ils réfléchissent, dans les jeux éblouissants de leurs facettes, la multiplicité changeante de la vie, n’ont-ils pas répondu le mieux qu’il fut possible au désir de nous perdre – tragiquement, comiquement – dans leur vaste mouvement où sans fin se perdent les êtres. Et s’il est vrai que la tricherie préside à la littérature, qu’un excès de réalité briserait l’élan qui nous porte vers le point de résolution où elle nous dirige, il est également vrai qu’une réelle audace nous a seule permis de trouver, dans l’angoisse de la mort ou de la déchéance figurées, cette joie seule excessive qui engage l’être dans sa perte. Nous ne pourrions sans cette audace opposer à la pauvreté de la vie animale les richesses de la religion et de l’art.[25]

Nous comprenons dès lors comment la fascination de l’horreur sacrée peut facilement parler à la passion mais plus difficilement à l’intelligence. L’intelligence, en effet, a beaucoup de peine à en rendre compte, parce qu’elle réduit tout à l’utilité. Or, le sacrifice y échappe. C’est la raison pour laquelle l’amour s’apparente au sacrifice, puisqu’il ne relève pas de l’utile. On pourrait évoquer le « sentiment océanique » dont parle Romain Rolland pour décrire la représentation que se fait Bataille de l’amour. Il s’agit d’une sorte de remplissement du vide, un remplissement total : « La totalité est vraiment étrangère à la réflexion commune en ce qu’elle embrasse en même temps la réalité objective et le sujet qui perçoit la réalité objective. Ni l’objet, ni le sujet peuvent former seuls une totalité qui implique l’ensemble. En particulier, ce que la totalité, sous le nom de « la nature », est pour l’esprit de science, est une simple caricature ; c’est tout l’opposé d’une conception selon laquelle, dans le cas d’un désir sexuel illimité (qui n’entrave aucune réserve, qui n’est contredit par aucun projet, freiné par aucun travail), son objet est précisément la totalité concrète du réel : et cela suppose cette fusion du sujet avec lui que j’ai maladroitement voulu décrire. »[26]

C’est la négation de la nature (de l’animalité) qui nous sépare de la totalité concrète : elle nous insère dans les abstractions d’un ordre humain – où, comme autant de fées sournoises, le travail, la science et la bureaucratie nous changent en entités abstraites. Mais l’étreinte nous ramène, non à la nature (qui n’est elle-même, si elle n’est pas réinsérée, qu’une partie détachée), mais bien à la totalité où l’homme a part en se perdant. Car une étreinte n’est pas seulement une chute dans la frange animale, mais l’anticipation de la mort, et de la corruption qui la suit. L’érotisme est ici l’analogue d’une tragédie, où l’hécatombe au dénouement rassemble tous les personnages. C’est, à la vérité, que la totalité atteinte (pourtant indéfiniement hors d’atteinte, puisque nous survivons à l’étreinte et n’atteindrions rien si nous mourions) ne l’est qu’au prix d’un sacrifice : l’érotisme l’atteint justement dans la mesure où l’amour est une sorte d’immolation.[27]

Le mariage, par opposition, est une institution visant à contourner l’interdit de l’inceste en donnant un droit sur les femmes auxquelles d’autres hommes n’ont pas de droits. Dès lors, le caractère légal de la sexualité dans le mariage fait de ce dernier un état plus qu’un passage. C’est pourquoi l’érotisme est souvent lié à la transgression du mariage, ce d’autant plus que la nature contractuelle du mariage, c’est-à-dire économique, émousse le désir. En tombant ainsi dans la routine (le monde profane), la sexualité ne retrouve son caractère transgressif qu’en dehors du mariage. C’est ainsi seulement que l’érotisme épuise les possibles.

La transgression du mariage, dès lors, est comme le dérèglement que prévoit la règle. Ainsi, l’orgie participe du renversement des règles, c’est-à-dire que ce qui est normalement interdit devient licite. Le maître devient esclave et l’esclave devient maître. D’où l’efficacité de l’envers qui renforce l’endroit. D’une certaine manière, nous avons affaire ici à ce que nous entendons par Bien et Mal : « Ce qui donne à l’orgie satanique un sens exceptionnel tient au fait qu’elle n’inverse pas simplement, comme l’orgie antique ou la primitive, l’ordre des choses profane et régulier, mais le cours du monde sacré, du moins de sa forme majestueuse »[28]. Voilà comment le christinanisme fait de l’envers une part maudite, ce qui explique en grande partie le sabbat. « La sexualité avait dans ces conditions un excès d’attrait angoissant. Le mal envisagé dans les limites de l’intérêt du pécheur a quand même une excuse : ce n’est pas le mal souverain, ayant sa raison d’être en lui-même. Seul l’érotisme est le mal pour le mal, où le pécheur se plaît pour la raison que, dans ce mal, il atteint l’existence souveraine. »[29] En effet, bien que l’esclave doit être utile, l’esclave ne serait plus humain s’il se réduisait à cet impératif. Mais l’inutilité à laquelle il pourrait se vouer est considérée par le maître comme étant le Mal. En ce sens, nous pouvons dire avec Bataille que l’« esclavage fut nécessairement une fiction et jamais les esclaves ne cessèrent vraiment d’être des hommes. Mais la fiction grâce à laquelle nos ancêtres regardaient leurs semblables comme des choses est pleine de sens. Elle se traduit essentiellement dans le fait que des êtres humains peuvent être des biens utiles, des objets de propriété et de transaction. Mais dans la mesure où ils ont ainsi aliéné une partie de leurs droits à la totalité souveraine, ces mêmes êtres acquièrent la possibilité d’être une fonction de cette totalité, ainsi la fonction érotique. »[30] Comment, cependant, devenir une fonction érotique ? Par exemple : « Si les femmes n’étaient devenues des objets proposés à la possession, elles n’auraient pu comme elles l’ont fait devenir les objets du désir érotique : ces objets ont des formes, des aspects déterminés, que n’avaient sans doute pas les Ménades. Les Ménades fuyaient en désordre, l’objet du désir au contraire se pare avec les plus grands soins et propose une figure immobile à la tentation d’un possesseur »[31].
Du point de vue de cette logique, le sacrifice de la vie normale est compensé en argent qui accroît le désir qui accroît l’argent. Dès lors la fascination en vient à toucher l’économie réelle. D’où sa dimension dangereuse. Ce sacrifice, de plus, abolit la durée. C’est en ce sens justement que la vie excessive est une figure de la mort. Voici ce que dit Bataille : « La prostituée est d’ailleurs généralement la figure de la mort sans le masque de la vie en ce qu’elle a le sens de l’érotisme, qui lui-même est le lieu où la vie et la mort se confondent »[32]. C’est ainsi que la figure a trait au rapport à l’objet. « Il est nécessaire en effet qu’un être soit envisagé comme une chose afin que le désir compose une figure qui lui réponde. »[33]
Les figures de la marge, en ce sens, sont donc, à la base, des figures passives, qui ont sacrifié leur ego. C’est de cette manière seulement qu’elles deviennent des objets de désir, c’est-à-dire des êtres érotiques. Si, pourtant, nous préférons des individus plus réels, ces êtres virtuels, liés au monde onirique, répondent à un désir profond de destruction. C’est le point mort où la vie veut s’abîmer dans l’éternité. « C’est seulement à ce prix que l’érotisme est souverain et que des actes sexuels sont résolument accomplis pour eux-mêmes et non en une certaine mesure subordonnés à des séries plus ou moins sensées d’intentions, de conventions, ou de désirs de possession. »[34]
Nous retrouvons ici l’infinitésimal qui est le mouvement infini du repos. « C’est qu’en effet l’objet au repos a généralement le sens de la durée, le mouvement le sens de la vie dans l’instant. »[35] Bataille se réfère également à Apollon et à Dionysos. Ou encore à la dialectique hégélienne, puisque le point mort atteint par la fusion des contraires devient un point d’indifférence. La dialectique, en effet, a l’avantage d’emprunter une voie qui, en elle-même, nous procure du plaisir. Ainsi, chez la femme, la beauté est inversément proportionnelle à l’intensité du travail. Et l’on comprend alors que ce qui est direct chez les animaux est indirect chez les humains, c’est-à-dire symbolique. Or, nous explique Bataille, la femme a dans le mariage ce statut direct qui lui enlève ce caractère d’objet propre à l’érotisme. C’est pourquoi les vêtements, qui jouent entre le voilement et le dévoilement sur l’interdit de nudité, peuvent réactiver le caractère désirable de la femme.


III
La consumation du point de vue des questions militaires

Mais, quand bien même ce caractère désirable peut être réactivé, l’amour individuel s’oppose toujours à l’amour divin. « En fait, nous dit Bataille, l’amour individuel, en ceci justement qu’il ne met pas la société en jeu mais seulement l’individu, est la chose du monde la moins historique. »[36] En effet, l’« insuffisance ou l’emploi des ressources à d’autres fins lui retirent seules la possibilité d’être ; il n’en est pas de même des obstacles de la coutume, des lois ou de la morale : la clandestinité ne lui est nullement nécessaire mais, souvent, elle accroît l’intensité des sentiments. »[37] Cependant, ce n’est pas la valeur de l’individuel qui intervient dans ce type d’amour, mais le caractère complémentaire du sujet et de l’objet. « Il va de soi que ces manières de voir n’ont pas le caractère de l’objectivité : l’univers aperçu dans l’amour est bien fidèlement la mesure de celui qui l’aperçoit, les limites du sujet se traduisent dans le choix de son objet. Mais celui-ci doit si bien former avec celui-là la totalité du possible que nous pouvons parler d’erreur : l’erreur est le fait d’un choix tel que l’union du sujet avec l’objet choisi nous donne le sentiment d’une dérision de l’universel. Mais cela n’ôte rien à l’exactitude des sentiments qui se trouvent en jeu : quelque erreur qu’il y ait en lui, l’objet aimé est pour l’amant le substitut de l’univers. Cela veut dire que, dans le désir, rien d’autre ne compte plus, et que l’objet donne au sujet ce qui lui manque pour se sentir empli de la totalité de l’être, de telle manière qu’enfin, rien ne lui manque plus. »[38]
Cette conception de la totalité bien qu’elle soit une « erreur » n’enlève rien au fait que la société des amants est un mode de la consumation tandis que la société des époux, un mode de l’acquisition. C’est qu’à la différence de la société des amants, la société des époux bénéficie de la reconnaissance. « Ils ne peuvent se borner à connaître seuls ce bonheur dont la limite est l’univers. Mais ils ne peuvent eux-mêmes le proposer à la reconnaissance qu’à la condition de le méconnaître. »[39]. C’est ainsi que Bataille passe de la reconnaissance à la fiction, puisque l’amour individuel étant incompatible avec la durée la fiction seule permet son épanouissement. Bataille s’appuie pour cela sur le roman courtois, où le tournoi des chevaliers est à l’amour ce que l’étreinte des amants est à la mort (Tristan et Yseult). Bien que l’amour individuel se concrétise dans l’acte charnel, Bataille parvient à assimiler l’érotisme au silence de l’étreinte, c’est-à-dire à l’ineffable, alors que l’« amour pur, au contraire, est rivé sur le bavardage »[40]. « L’expérience de Dieu se prolonge dans les affres du sacrifice et elle répond mal aux affirmations de la théologie positive, auxquelles elle oppose les silences d’une théologie négative. »[41] Paradoxalement, là où le silence est de rigueur, l’expression est de mise proportionnellement à l’intensité de l’expérience. « Quoi qu’il en soit du langage érotique des mystiques, il faut dire que leur expérience, n’ayant pas de limitation, déborde ses prémices et que, poursuivie dans l’énergie la plus grande, elle ne garde pour finir de l’érotisme que la transgression à l’état pur, ou la destruction achevée du monde de la commune réalité, qu’est le passage de l’Être parfait de la théologie positive à ce Dieu sans forme et sans mode d’une « théopathie » proche de l’« apathie » de Sade. »[42] Mais, même ces expériences extrêmes n’échappent pas à l’utilité. C’est pourquoi Sade illustre selon Bataille une tentative ultime d’échapper à l’utilité par l’indifférence du crime : « le trait fondamental de la pensée de Sade est la plus indifférente négation des intérêts et de la vie des partenaires »[43]. C’est, en effet, à travers cette extrême négation que l’érotisme trouve à s’exprimer. « C’est que nous n’avons de bonheur véritable qu’à dépenser vainement, c’est que nous voulons toujours être sûrs de l’inutilité de notre dépense, nous sentir le plus loin qu’il se peut d’un monde sérieux, où l’accroissement des ressources est la règle. »[44] Par là, c’est le rejet absolu de l’Autre qui fait de l’extase ultime sa non-reconnaissance. « Qui admet la valeur d’autrui est nécessairement limité, il est borné par ce respect d’autrui, qui l’empêche de savoir ce que signifie la seule aspiration qui ne soit pas en lui subordonnée au désir d’accroître ses ressources matérielles ou morales. »[45] Dès lors, le « crime importe plus que la luxure, le crime de sang-froid est plus grand que le crime exécuté dans l’ardeur des sentiments, mais le crime « commis dans l’endurcissement de la partie sensitive », crime sombre et secret importe plus que tout, parce qu’il est l’acte d’une âme qui, ayant tout détruit en elle, a accumulé une force immense, laquelle s’identifiera complètement avec le mouvement de destruction totale qu’elle prépare. »[46]
En effet, pour Bataille, Sade a su mettre en évidence que celui qui nie absolument incarne l’individu intégral. Cependant, contrairement à Bataille, Sade ne va pas jusqu’à affirmer dans cette négation une transcendance. Il y est complètement opposé. « En vérité la seule différence profonde entre son système et celui des théologiens, c’est que la négation des êtres isolés, que nulle théologie, sinon selon l’apparence, n’accomplit moins cruellement, ne réserve au-dessus d’elle rien d’existant, qui console, pas même une immanence du monde. »[47]
Autrement dit, l’« apathie » de Sade va plus loin que la négation des mystiques (ascèse) dans le sens où elle est la « négation illimitée de la négation des mystiques »[48]. C’est ainsi que la mort de l’apathie permet à l’homme de connaître cette force illimitée qui anéantit tout. Mais, contrairement à Sade, Bataille revient sur le fait que l’homme étant homme sa force est de fait limitée. C’est pourquoi la force dépensée en pure perte est soustraite à la production. Dès lors, ce que l’on gagne d’un côté (la production), on le perd de l’autre (la consumation). Ainsi en va-t-il de la guerre qui prend à l’érotisme l’énergie nécessaire à sa dépense, bien que la paix à laquelle cette dépense aspire demande un nivellement complet des conditions économiques. C’est pourquoi, selon Bataille, « il est nécessaire de produire en vue d’accroître le niveau de vie mondial »[49], ce que la Guerre froide jusqu’alors a empêché. C’est donc en résolvant la Guerre froide que l’on permettrait aux hommes de s’épanouir pleinement. Bataille était bien entendu conscient de la banalité de ses propos quand bien même il était persuadé que sa théorie de l’érotisme pouvait contribuer à trouver une issue à la situation de la Guerre froide – notamment sur la manière de se représenter la fin de l’histoire. « De ce point de vue nécessairement hypothétique, la conscience de la vérité érotique anticipe sur la fin de l’histoire : cette conscience introduit dans le temps présent l’indifférence profonde, l’« apathie » d’un jugement anhistorique, d’un jugement lié à des perspectives très différentes de celles qu’ont des hommes engagés sans réserve dans la lutte. »[50] La lutte est, selon Bataille, une lutte pour la production et pour la domination. Or, rien – paradoxalement – ne peut détourner les humains du nivellement tout autant que rien ne peut réduire la production à l’utile, puisque la détente à laquelle mène la production n’est possible « qu’au mépris de la politique »[51]. C’est ainsi que Bataille rejetait toute forme de lutte pour la reconnaissance :

Nous ne pouvons trouver en luttant une vérité sur laquelle fonder : en luttant, jamais nous n’apercevons qu’une partie des choses, même si le mouvement s’opposant à la volonté d’en rester là a sa valeur privilégiée. C’est au contraire dans la mesure où nous nous éloignons de toute raison de combattre, dans la mesure où nous atteignons des moments parfaits, que nous savons ne pouvoir dépasser, que nous avons le pouvoir d’assigner au mouvement de l’histoire cette fin qui ne saurait être que dérobée.[52]


CONCLUSION

De ce qui précède, nous pouvons finalement dire que, selon Bataille, l’érotisme se trouve sur le terrain de la consumation pure, parce qu’il n’appartient pas au monde de la pensée. Par là, Bataille entend le monde de l’utilité où chaque action de l’homme se trouve prise dans une logique de la productivité. Contre cela, il oppose l’« expérience mystique » de l’érotisme, qui, d’après lui, constitue le noyau de la fiction (complexe d’Œdipe), raison pour laquelle il dit vouloir saisir « la pensée dans l’érotisme » (structuralisme). Ainsi les structures élémentaires de la parenté de Claude Lévi-Strauss viennent illustrer une sorte de logique anti-productive. Le paradoxe, cependant, d’une telle logique est de s’appuyer sur la logique de l’échange généralisé, échange pour lequel Bataille nous dit que l’ethnologue français n’est pas allé au bout de son raisonnement. En effet, selon Bataille, l’interdit de l’inceste débouche sur une économie générale qui caractérise l’homme en tant qu’homme (ontologie). Le sacrifice, dès lors, illustre à merveille cette ontologie, dont la nature littéraire s’explique par la nature symbolique du milieu humain.
En se plaçant sur le plan symbolique justement, Bataille montre en quoi l’érotisme participe d’une logique anti-productive. L’érotisme, en effet, est selon lui un phénomène anti-productif parce qu’il détourne l’acte sexuel de la reproduction. En cela, il est essentiellement jouissance. Or, s’échappant ainsi de la nécessité, l’homme retrouve une souveraineté que lui refuse la nature. C’est pourquoi le schéma auquel pense Bataille est le suivant : vie animale – vie profane – vie sacrée. De cette manière, nous comprenons comment la négation de la négation débouche non pas sur la nature mais sur la religion. Car, la négation de la négation n’est pas un mouvement de retour mais une transfiguration où la figure de la marge se pare de tous les symboles de son sacrifice. D’où la fascination angoissée d’un tel sacrifice. C’est que la fascination angoissée non seulement annonce le désordre à venir si l’individu s’engage dans un commerce avec l’objet mais également un retour à l’ordre que le désordre finalement contient en lui-même. C’est, en d’autres termes, à travers la discontinuité des symboles que l’on sent la continuité des êtres. Et cette continuité n’est possible qu’à travers la mort symbolique d’une jouissance extrême.
Sade, cependant, va plus loin. Comme le dit Bataille à propos des mystiques chrétiens, l’apathie de Sade représente une négation de la négation de ces derniers. C’est pourquoi il est un rejet absolu de l’Autre, auquel se livrent encore les mystiques, qui, dans leur négation (ascèse), s’abandonnent – en réalité – à Dieu. Or, la souveraineté que propose Sade, si elle passe également par une mort symbolique, qui, seule, permet la reconnaissance par l’expression, cette souveraineté, dis-je, passe – contrairement aux mystiques chrétiens – par la négation de Dieu. C’est ainsi que, par la négation du partenaire, se joue en réalité chez Sade la négation de la religion à l’état pur (l’ascèse). Et cette négation n’est représentable selon lui qu’à travers le crime. Mais, contrairement à Sade, Bataille ne va pas jusqu’à rejeter la possibilité d’une transcendance de la pure immanence. Au contraire, en s’appuyant sur l’ontologie qu’il a développée avec l’érotisme, il suppose un bien-être matériel nécessaire à l’épanouissement des individus. C’est ainsi que, paradoxalement, il en vient à soutenir l’utilité de la production pour permettre l’inutilité de la consumation.


[1] Georges Bataille, L’Histoire de l’érotisme, Paris : Gallimard, 2015, p.29.
[2] Ibid., p.40.
[3] Ibid., p.42.
[4] Ibid., p.44.
[5] Ibid., p.26.
[6] Ibid., pp.48-49.
[7] Ibid., p.50.
[8] Ibid., p.53.
[9] Ibid., p.53.
[10] Ibid., p.58.
[11] Ibid., p.65.
[12] Ibid., pp.70-71.
[13] Ibid., p.73.
[14] Ibid., p.80.
[15] Ibid., p.87.
[16] Ibid., p.89.
[17] Ibid., p.91.
[18] Ibid., p.97.
[19] Ibid., p.99.
[20] Ibid., pp.103-104.
[21] Ibid., p.105.
[22] Ibid., p.106.
[23] Ibid., p.107.
[24] Ibid., p.107.
[25] Ibid., pp.107-108.
[26] Ibid., p.114.
[27] Ibid., pp.116-117.
[28] Ibid., p.130.
[29] Ibid., p.132.
[30] Ibid., p.136.
[31] Ibid., p.137.
[32] Ibid., p.140.
[33] Ibid., p.140.
[34] Ibid., p.141.
[35] Ibid., p.141.
[36] Ibid., p.153.
[37] Ibid., p.153.
[38] Ibid., p.157.
[39] Ibid., p.159.
[40] Ibid., pp.164-165.
[41] Ibid., pp.165-166.
[42] Ibid., p.167.
[43] Ibid., p.169.
[44] Ibid., p.173.
[45] Ibid., p.173.
[46] Ibid., p.175.
[47] Ibid., p.177.
[48] Ibid., p.178.
[49] Ibid., p.182.
[50] Ibid., p.184.
[51] Ibid., p.185.
[52] Ibid., pp.184-185.

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