Le Fugitif: une critique de la raison d’État et de l’identité politique exclusive
Par Alex Li
Introduction : La fiction comme miroir de la réalité
Dans Le Fugitif, un jeu de rôle narratif et omnicanal, la Fondation SCP joue un rôle central en tant que métaphore de la raison d’État au sein de l’État-providence. À travers des thématiques comme la marginalisation, le contrôle biomédical et l’exclusion sociale, Le Fugitif explore une critique des institutions modernes et de leur fonctionnement. Ce jeu dépasse le simple divertissement pour devenir une réflexion sur la manière dont les sociétés contemporaines gèrent les singularités et les marges. En mettant en scène une lutte entre insiders et outsiders, Le Fugitif interroge les fondements de l’État-providence et propose une alternative à travers des lignes de fuite et des mécanismes comme le RU/MNBC.
1. La Fondation SCP : une métaphore de la raison d’État
Dans l’univers du Fugitif, la Fondation SCP représente une rationalité technocratique et bureaucratique, typique de la raison d’État moderne. Elle opère dans l’ombre pour contrôler, confiner et neutraliser les anomalies qui menacent l’ordre établi.
1.1. La rationalité technocratique et le contrôle des singularités
• La Fondation SCP agit comme une institution omniprésente et opaque, justifiant toutes ses actions au nom de la sécurité publique. Sa gestion des anomalies est froide et bureaucratique, centrée sur le confinement et l’élimination de toute déviance par rapport aux normes (ou comportements dits « antisociaux »).
• Les SCP (anomalies) sont des métaphores des singularités humaines, des expressions de différence ou de déviance que l’État ne peut pas comprendre ni intégrer. La Fondation ne cherche pas à les valoriser ou à les comprendre, mais à les neutraliser et les dissimuler, comme la raison d’État gère les crises ou les marges sociales dans le monde réel.
1.2. Le confinement comme logique de pouvoir
Le confinement des SCP reflète une pratique systématique des institutions modernes: rendre invisibles les déviances et les contradictions du système. Cela met en lumière :
• La peur des singularités, perçues comme des menaces à la stabilité.
• L’incapacité des structures de pouvoir à gérer la diversité autrement que par la répression ou l’effacement.
Analyse critique :
La Fondation SCP, dans son obsession pour le confinement et le contrôle, devient une métaphore puissante de l’État-providence moderne et de ses limites.
2. L’identité politique exclusive dans l’État-providence
2.1. Une société divisée: insiders et outsiders
Dans Le Fugitif, la société est divisée en deux catégories:
• Les insiders: ceux qui sont intégrés dans l’État-providence, protégés par ses mécanismes de redistribution, mais également soumis à des normes rigides de conformité sociale et biomédicale.
• Les outsiders: ceux qui, par leur différence ou leur incapacité à se conformer, sont exclus ou marginalisés. Ces individus deviennent des anomalies à surveiller, confiner ou neutraliser.
Cette division reflète une identité politique exclusive, où l’État décide qui mérite ou non d’être soutenu et intégré.
2.2. La médicalisation des marges
Dans Le Fugitif, l’État-providence utilise la biopolitique pour gérer les outsiders:
• Les outsiders sont médicalisés, traités comme des « problèmes » à corriger, souvent par des moyens biomédicaux.
• Ces pratiques produisent parfois des effets secondaires imprévus (comme les mutations des SCP), que l’État choisit de cacher dans des zones de confinement secret.
Analyse critique :
L’État-providence, loin d’être inclusif, renforce une logique d’exclusion et de normalisation. Il crée une société où seules les normes dominantes sont valorisées, tandis que les singularités sont dissimulées ou éradiquées.
3. Une critique active et une alternative émancipatrice
3.1. Le Collectif du Fugitif: des lignes de fuite actives
Dans Le Fugitif, le Collectif incarne une force de résistance face à la raison d’État et à ses logiques exclusives :
• Valorisation des singularités : Les anomalies (SCP) ne sont pas perçues comme des déviances, mais comme des expressions de potentiel. Elles remettent en question les normes et ouvrent des possibilités d’émancipation.
• Remise en question des catégories normatives: en défendant les outsiders, le Collectif refuse la division insider/outsider imposée par l’État.
3.2. Le RU/MNBC comme alternative au contrôle étatique
En intégrant un revenu universel basé sur une monnaie numérique de banque centrale (RU/MNBC), le jeu propose une vision politique proactive :
• Le RU/MNBC offre un modèle de redistribution qui libère les individus des contraintes hiérarchiques de l’État-providence.
• Les BRX, monnaie fictive du jeu, deviennent un outil d’autonomie et d’émancipation, permettant aux joueurs de redéfinir les rapports de pouvoir.
Analyse critique :
Le Collectif du Fugitif, en valorisant les anomalies et en expérimentant un modèle redistributif alternatif, montre que les marges peuvent devenir des espaces de créativité et de résistance.
4. Conclusion: une réflexion critique et une proposition audacieuse
Le Fugitif ne se contente pas de critiquer les institutions modernes comme l’État-providence et la raison d’État. Il propose une expérience immersive où les joueurs peuvent explorer des alternatives, remettant en question les normes et expérimentant des solutions nouvelles.
• Une critique des structures exclusives: la Fondation SCP, métaphore de l’État-providence, révèle les limites d’un système qui prétend protéger, mais exclut et contrôle.
• Une valorisation des marges: en mettant en lumière les anomalies et les outsiders, le jeu offre une vision inclusive et émancipatrice.
• Une alternative politique: le RU/MNBC et les BRX incarnent une possibilité de redistribution et de réinvention des rapports sociaux et économiques.
En somme, Le Fugitif transcende le simple jeu pour devenir une critique active des dynamiques de pouvoir contemporaines et une invitation à imaginer des mondes plus justes et inclusifs.
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